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9
l
Neurone
·
Vol 18
·
N°1
·
2013
·
activité accrue dans le cortex pré-
frontal médial, associé au traitement
des informations pertinentes pour le
sujet;
·
dysfonctionnement du cortex cingu-
laire antérieur rostral, associé à des
déficits de l'inhibition de l'affect né-
gatif (4). Bien qu'aucune étude à ce
jour n'ait directement examiné les
corrélats neuronaux de l'inertie émo-
tionnelle, une activation prolongée
du système limbique et une dé-
faillance du contrôle descendant des
structures limbiques sont suscep-
tibles d'être associées à des degrés
plus élevés d'inertie émotionnelle.
Plus indirectement, il existe plusieurs
facteurs de risque génétiques à la dé-
pression, qui peuvent contribuer au dé-
veloppement d'une rigidité cognitive et
affective. Le facteur génétique de risque
de dépression le mieux connu est proba-
blement le polymorphisme 5-HTTLPR.
La forme courte du gène 5-HTTLPR est
associée à une plus grande prédisposi-
tion à la dépression et a également été
impliquée dans le dysfonctionnement de
circuits neuronaux intervenant dans la
régulation restrictive de l'affect négatif
(23). Ces résultats suggèrent que la rigi-
dité affective pourrait être directement
liée au risque génétique de dépression.
Cela corrobore parfaitement les résultats
de l'une de nos études récentes (pas en-
core publiée): les personnes présentant
la forme courte du polymorphisme
5-HTTLPR faisaient preuve d'une plus
grande inertie concernant les émotions
négatives dans la vie quotidienne, même
en présentant des différences constantes
dans le niveau de gravité de leurs symp-
tômes dépressifs. De même, un lien a été
établi entre un autre facteur de risque
génétique de la dépression, la variante
Val/Val du polymorphisme BDNF Val-
66Met, et la rumination (24). Ensemble,
ces études étayent la théorie selon la-
quelle la rigidité cognitive et affective est
liée à la prédisposition à la dépression et
pourrait être partiellement héréditaire.
Facteurs environnementaux
Des facteurs environnementaux inter-
viennent dans la quasi-totalité des types
de dépression, généralement en tant que
déclencheurs d'épisodes dépressifs chez
les personnes présentant une prédisposi-
tion psychobiologique accrue (2, 4, 22).
Le rôle des événements stressants dans le
déclenchement de la dépression semble
être particulièrement important pour le
premier épisode, les rechutes suivantes
étant de moins en moins liées à des dé-
clencheurs environnementaux (25). Ce
processus de sensibilisation suggère que
les personnes prédisposées à la dépres-
sion pourraient voir leur rigidité cogni-
tive et affective augmenter progressive-
ment en réaction aux événements, ce
qui augmenterait l'apparition de symp-
tômes dépressifs en l'absence de facteurs
stressants objectifs. Toutefois, les per-
sonnes dépressives ou prédisposées à la
dépression peuvent également contri-
buer à la création d'événements stres-
sants, en particulier de nature relation-
nelle (2, 25). Ce type de cercle vicieux
stress/dépression serait susceptible d'en-
traîner une rigidité cognitive et affective:
les personnes présentant une prédisposi-
tion à la dépression sont exposées de
manière répétée à des événements stres-
sants (relationnels), auxquels elles réa-
gissent par des pensées et des sentiments
négatifs, qui augmentent à leur tour la
probabilité d'événements stressants fu-
turs. L'influence entre facteurs environ-
nementaux et rigidité cognitive et affec-
tive peut donc être bilatérale. Par
exemple, la rumination a été associée à
une altération des capacités de résolu-
tion des problèmes et à une diminution
du soutien social (11), deux éléments qui
seraient susceptibles de réduire la capa-
cité d'une personne à faire face à des
événements même modérément néga-
tifs. Nous avons commencé à étudier
l'influence des facteurs environnemen-
taux sur la rigidité affective dans nos
propres recherches. Bien que l'inertie
émotionnelle soit clairement influencée
par des facteurs sociaux ou contextuels
(p. ex. événements stressants), des études
supplémentaires sont nécessaires pour
comprendre précisément l'évolution de
la rigidité affective dans différentes
conditions environnementales.
Traitement de la rumination et
de l'inertie
La rigidité constituant une caractéris-
tique centrale de la dépression (4-7, 19),
le traitement devrait essentiellement ci-
bler la rigidité des réactions cognitives et
affectives. L'objectif principal de nom-
breux traitements actuels contre la dé-
pression réside toutefois dans le soulage-
ment rapide des symptômes dépressifs.
Or, au lieu de se contenter de soulager
les symptômes, les traitements de la dé-
pression devraient viser à interrompre
les schémas cognitifs et affectifs répétitifs
qui caractérisent la rigidité associée aux
symptômes dépressifs (4). Plusieurs va-
Le rôle des événements
stressants dans le
déclenchement de la
dépression semble être
particulièrement important
pour le premier épisode, les
rechutes suivantes étant de
moins en moins liées à des
déclencheurs
environnementaux.
Les personnes dépressives ou
prédisposées à la dépression
peuvent également
contribuer à la création
d'événements stressants,
en particulier de nature
relationnelle.