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l
Neurone
·
Vol 18
·
N°1
·
2013
comorbidité de trouble du contrôle des
impulsions (10). Faits intéressants: les si-
militudes au niveau des comportements
répétitifs et mal contrôlés et l'effet du
traitement pharmacologique à l'aide
d'agonistes de la sérotonine, tant dans la
pédophilie que dans les comportements
compulsifs et impulsifs.
On examine également l'existence ou
l'absence d'une différence au niveau des
activités réelles du cerveau. A cet effet,
on utilise le PET-scan, où un traceur in-
jecté peut être visualisé grâce à ses émis-
sions de rayons X. Plus le traceur est
capté dans une région particulière du
cerveau, plus cette région sera visible à
l'image, et plus l'activité métabolique est
importante (et donc l'activité réelle).
Hinkin et al. ont ainsi pu constater un
important hypométabolisme ou une di-
minution de l'activité au niveau du lobe
temporal droit. On constate donc une
différence gauche/droite dans ce cas
précis. On pense que cette asymétrie in-
terviendrait pour augmenter ou modifier
l'intérêt sexuel et agirait donc indirecte-
ment au niveau de la genèse de la pédo-
philie (11).
Une étude de Schiffer et al. réalisée par
IRMf a examiné s'il existait une diffé-
rence d'activité neuronale durant l'exci-
tation sexuelle. Les chercheurs ont com-
paré la réaction à divers stimuli chez un
groupe d'hommes hétérosexuels et un
groupe d'hommes pédophiles. Une dif-
férence d'activité claire a pu être démon-
trée tant dans les régions sous-corticales
que corticales. Ceci démontre que les
réseaux neuronaux du cerveau fonc-
tionnent différemment chez les hommes
pédophiles (12).
Toutes ces recherches montrent que les
personnes atteintes de pédophilie dif-
fèrent dans leur fonctionnement neuro-
biologique. La question clé est de savoir
à quelles structures ces différences fonc-
tionnelles peuvent être liées. Diverses
hypothèses ont été formulées à ce sujet.
L'hypothèse frontale part d'anomalies
dans la région frontale qui causent une
impossibilité d'inhiber les impulsions.
L'hypothèse temporale-limbique quant à
elle se focalise sur le rôle des structures
profondes du lobe temporal, qui sont
responsables de la régulation du com-
portement sexuel. De nos jours, des
«théories de double dysfonction» sont
de plus en plus souvent avancées. Elles
affirment que les pédophiles souffrent
d'une dysfonction tant au niveau frontal
(entraînant des troubles de l'inhibition
du comportement) que temporal (entraî-
nant des troubles de la libido). Certaines
pistes s'intéressent à la masculinisation,
c'est à dire l'effet de la testostérone du-
rant les phases cruciales du développe-
ment du cerveau. Bien qu'intuitivement
ces théories soient très plausibles, peu
de preuves empiriques tangibles ont été
fournies pour appuyer cette hypothèse.
Structurellement, les zones frontales et
temporales ont été les plus étudiées.
Même si l'on sait peu de choses au sujet
d'éventuelles anomalies du cerveau des
personnes atteintes de pédophilie, les
structures impliquées dans le comporte-
ment sexuel ont été étudiées de façon
très poussée dans d'autres populations.
On a notamment constaté dans des mo-
dèles animaux qu'un réseau dense de
neurones, impliquant l'amygdale, l'hip-
pocampe, la région septale et les noyaux
de l'area innominata voisine, joue un
rôle important dans le comportement
sexuel et les habitudes d'accouplement.
On a également remarqué des modifica-
tions du comportement sexuel chez des
patients atteints de lésions au niveau des
lobes temporal antérieur et frontal. Elles
peuvent varier de petites modifications
subtiles à d'énormes différences, comme
dans le syndrome de Kluver-Bucy, où le
patient présente des symptômes sou-
dains d'hypersexualité liés à la lésion, et
même de changement de préférence
sexuelle (14). On a également trouvé des
associations entre la paraphilie et l'épi-
lepsie du lobe temporal (13).
Diverses études ont démontré des diffé-
rences structurelles du volume de cer-
taines régions du cerveau. Et ce à l'aide
d'IRM et de VBM (voxel-based morpho-
metry
) dans laquelle l'ordinateur subdi-
vise le volume du cerveau en tout petits
pixels. On peut ainsi comparer de façon
très précise le volume de certaines ré-
gions des cerveaux de différentes per-
sonnes. Chez les pédophiles, ces ana-
lyses VBM ont montré une diminution de
la matière grise dans les structures du
cerveau impliquées dans le comporte-
ment sexuel, comme la région septale,
l'hippocampe, le striatum ventral, le cor-
tex orbitofrontal et le cervelet (14, 10).
L'étude de Schiltz et al. a constaté un
volume significativement plus petit de
l'amygdale (qui avec e. a. l'hippocampe
forme le système limbique) dans une
population pédophile, avec une diffé-
rence plus marquée du côté droit. Cette
diminution de la taille de l'amygdale
n'était pas liée à l'âge et ne pouvait donc
être attribuée à un processus de vieillis-
sement (14). Les anomalies mises en évi-
dence dans les régions fronto-striatales
sont intéressantes parque que ces régions
appartiennent au système sérotoniner-
gique. Elles sont compatibles avec les
résultats biochimiques susmentionnés.
Les «théories de double
dysfonction» affirment que
les pédophiles souffrent
d'une dysfonction tant au
niveau frontal (entraînant
des troubles de l'inhibition
du comportement) que
temporal (entraînant des
troubles de la libido).