la personne psychotique se situe dans un rapport au réel et au monde qui n'est assurément pas le nôtre. Pour nous, habitants de la planète humaine, le rapport au réel et au monde passe nécessairement par le filtre du symbolique. Chez la personne psychotique, l'accès à cet ordre symbolique est problématique. Dès lors il nous est difficile de nous identifier à lui par saisies partielles comme nous le faisons avec d'autres. Ce n'est pas tant qu'il parle une autre langue, sa langue, c'est que le socle sur lequel la langue est chez lui installée présente des failles telles que nous ne sommes assurément pas sur le même terrain. Et donc parler de la psychose, de l'expérience psychotique de l'intérieur relèvera toujours d'une forme de gageure. résolument extérieure de la psychose. Description de prodromes, de symptômes, de tableaux cliniques, éléments de diagnostic différentiel, aspects évolutifs: le psychiatre ici regarde plus qu'il n'écoute, il repère, isole, distingue, désigne et classifie. ensembles symptomatiques: paraphrénie, hébéphrénie, psychose hallucina- tion, faite de beaucoup de petites soustractions, il est seul. Seul comme il n'a jamais été. Comme personne (pense-t-il) n'a jamais été. En effet, c'est particulier comme il est seul. Seul sans solitude. Il n'est plus préservé par le «nous», l'entre- nous de l'homme et de son corps. Lui, il est vraiment seul. En exil, sur place. Dans une solitude dont le solitaire n'a pas idée. La solitude de cette banlieue ne se compare à rien, est une injustice, un scandale. A côté d'elle la solitude d'un méditatif est un palais. Celle d'un gueux même est un nid, pouilleux, mais nid quand même. Ici, pas de nid. Solitude sans jouir d'être seul.» par les gouffres (Gallimard, 1967) |