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l
Neurone
·
Vol 18
·
N°1
·
2013
Nous avons ainsi recruté 41 patients
souffrant d'ataxie de Friedreich et ce, à
travers toute l'Europe. Ils ont été compa-
rés à 53 individus sains, appariés pour
l'âge. Une première observation clinique
nous a étonné: bien que souvent jeunes
et minces, ces patients ataxiques ont une
masse grasse augmentée, ce qui favorise
l'insulino-résistance. En utilisant la mé-
thodologie acquise à Seattle pour tester
le métabolisme glucidique, nous avons
pu confirmer in vivo une insulino-résis-
tance, mais sans augmentation secon-
daire de la production d'insuline. Nous
avons ainsi suspecté l'existence d'une
défaillance des cellules bêta-pancréa-
tiques dans la sécrétion d'insuline. Par
analyse de régressions multiples, c'est ce
déficit de sécrétion d'insuline qui a été
démontré comme la cause principale du
diabète chez ces patients, bien plus que
l'insulino-résistance.
Quelle a été la suite de vos
recherches?
Miriam Cnop: Afin de confirmer ou non
cette défaillance des cellules bêta-pan-
créatiques, nous avons souhaité exami-
ner des cellules bêta d'îlots de Lange-
rhans dans le pancréas des patients at-
teints d'ataxie de Friedreich. Pour ce
faire, nous avons fait une large recherche
de matériel d'autopsie disponible
concernant cette affection. Nous avons
ainsi pu trouver 9 pancréas de ce type de
patients grâce à la collaboration d'uni-
versités à Londres et aux Etats-Unis.
L'étude de ces pancréas a confirmé que
la masse des cellules bêta était réduite
dans les îlots de Langerhans (Figure 1).
Nous avons dès lors développé un mo-
dèle in vitro de culture de cellules bêta
obtenues au départ de rats mais aussi
d'origine humaine (grâce aux dons d'or-
ganes). Nous les avons soumises à la
technique du knock-down en utilisant
des petits ARN interférents permettant de
bloquer environ 70% de l'expression de
la frataxine, cette protéine mitochon-
driale déficiente dans la maladie de Frie-
dreich. Nous avons ainsi observé que les
cellules bêta produisaient moins d'ATP
­ et donc de sécrétion d'insuline ­ en
réponse au glucose. Il y avait également
une augmentation
de la sensibilité à
l'apoptose. Par la suite, nous avons pu
montrer que les incrétines GLP-1 et GIP,
hormones intestinales qui ont un effet
pancréatique favorisant la sécrétion d'in-
suline, pouvaient avoir un effet protec-
teur sur ces cellules bêta. En effet, des
analogues des hormones incrétines, déjà
utilisés dans le traitement du diabète de
type 2, ont démontré ici un effet anti-
apoptotique.
Comment pourrait-on dès lors
envisager des applications
thérapeutiques?
Miriam Cnop: Ces analogues d'hor-
mones incrétines ont déjà démontré, par
ailleurs, des effets cardio- et neuropro-
tecteurs (2). Ils pourraient donc être
considérés à l'avenir comme une théra-
pie de protection pancréatique mais
aussi centrale dans l'ataxie de Friedreich.
Cette hypothèse va être incessamment
testée dans notre laboratoire et cette
fois sur le modèle murin de l'ataxie de
Friedreich.
Références
1.
Cnop M, Igoillo-Esteve M, Rai M et al. Central role and
Mechanisms of Beta-cell Dysfunction and Death in
Friedreich Ataxia-Associated Diabetes. Ann Neurol
2012; doi/10.1002/ana.23698
2.
Holst JJ., Burcelin R., Nathanson E. Neuroprotective
properties of GLP-1: theoretical and practical
applications. Curr Med Res Opin 2011;3:547-58.
Contrôle Patient
Figure 1: Diminution des cellules bêta-pancréatiques dans les îlots de Langerhans chez un patient
atteint d'ataxie de Friedreich. Images obtenues grâce à I Marhfour et Miriam Cnop.
Les analogues d'hormones
incrétines pourraient être
considérés à l'avenir comme
une thérapie de protection
pancréatique mais aussi
centrale dans l'ataxie de
Friedreich.