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l
Neurone
·
Vol 17
·
N°7
·
2012
N1862F
TROUBLES BIPOLAIRES
l
a
neurotoxicité
:
une
réalité
à
soupeser
au
quotidien
La psychiatrie biologique a fait des progrès énormes cette dernière décennie. Elle
a également permis de mieux appréhender la problématique de la neurotoxicité
inhérente à la pathologie bipolaire, mais aussi avec les traitements. Le point avec
le Dr Pierre Oswald (CRP Les Marronniers, Tournai et CHU Brugmann).
Irritabilité, insomnie, labilité émotionnelle
sont des prodromes certes non spécifiques
de l'accès maniaque. Quel est l'intérêt de
leur détection précoce?
Dr Pierre Oswald: Prévenir l'accès maniaque permet
d'éviter au patient toutes les conséquences cliniques
de l'état maniaque: labilité émotionnelle, irritabilité et
donc souffrance pour lui et pour l'entourage. Rappe-
lons ici que près de 50% des patients en phase ma-
niaque présentent des symptômes dépressifs et/ou an-
xieux objectivés par les différentes échelles de sévérité.
Par ailleurs, cliniquement, la phase maniaque se complique presque toujours d'un
épisode dépressif. La détection précoce permet aussi d'éviter au patient les consé-
quences sociales: perte d'emploi, hospitalisation, stigmatisation, isolement affectif,
perte de revenus... Enfin, plus récemment, ont été mises en évidence les consé-
quences biologiques et cognitives de la répétition de l'état maniaque. Cet état, et sa
répétition, fragilise l'organisme et en particulier le cerveau. Il existe donc un cercle
vicieux qui s'intalle où le cerveau, plus fragile, devient plus vulnérable aux facteurs
de stress qui précipitent l'état maniaque. Nous disposons maintenant d'éléments issus
de la recherche neurobiologique qui confirment les données cliniques d'une aggrava-
tion clinique et cognitive lors de la répétition des phases maniaques.
Quels sont les mécanismes biologiques qui expliquent la
survenue d'un accès maniaque?
La survenue d'un épisode maniaque est liée à une «explosion» endogène impliquant
des neurostransmetteurs et des facteurs hormonaux, neurotrophiques et inflamma-
toires. Ces événements sont la traduction neurobiologique d'un stress. Parmi les fac-
teurs de stress, on trouve les neurotransmetteurs dopaminergiques par exemple, les
glucocorticoïdes, plusieurs cytokines et des facteurs neurotrophiques comme le
BDNF.
En bref, tout sujet qui présente à l'origine une fragilité génétique au développement
d'un trouble bipolaire peut soit secréter «excessivement» ces facteurs de stress et ne
Interview de Pierre Oswald*,
par Dominique-Jean Bouilliez
* CRP Les Marronniers,
Tournai et CHU Brugmann
Keywords:
schizophrenia ­ manic phase
­ neurotoxicity
Pierre Oswald