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Neuron
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Vol 17
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Nr 7
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2012
Comment jouer une pièce dont l'acteur
central improvise sans unité de lieu ni
d'espace, sans stabilité de la pensée,
sinon celle de ses convictions délirantes?
Le premier principe est celui de l'ata-
raxie (Epicure) ou absence de conflit:
la critique génère un cycle où l'émotion
finit par déborder la raison.
Dans le théâtre, au-delà des mots, le ton
de la voix, les postures et les gestes sont
des codes «qui font sens» pour illustrer
le message et exprimer les émotions
qu'on veut communiquer au patient
(apaisement, opposition...).
Cette méthode de la théâtralisation est
pratiquée par Colette Roumanoff (en
complément d'autres techniques) dans
ses ateliers.
La «thérapie» par réminiscence
Elle est basée sur l'idée que la mémoire
autobiographique, épisodique et séman-
tique, est solide. Méthode très utilisée
dans les ateliers mémoire, elle a un but
de stimulation (non démontré) mais son
mode distrayant, autour de thèmes posi-
tifs, participe à apaiser le malade. Elle
peut se pratiquer de façon efficace au
sein de la famille qui connait bien le
passé du malade. Le principe est l'expo-
sition à des éléments connus du malade,
pour évoquer le passé.
L'éducation des aidants à cette méthode
est très codifiée, alors que la diversité
des aidants et des malades devrait inciter
à donner de grandes lignes et laisser
chaque aidant adapter la méthode.
Des moyens connexes à
l'éducation des aidants
L'étayage de l'entourage ou
comment aider les aidants?
Idéalement, la famille, l'entourage, parti-
cipe à la prise en charge du patient en
assumant des moments de garde, les
«vacances» de l'aidant. Il faudrait donc
aussi instruire les «aidants secon-
daires»... du moins leur délivrer des
fiches succinctes pour éviter quelques
erreurs de base.
Des méthodes innovantes
Le rétablissement du lien social passe
par des lieux de rencontre et des activi-
tés partagées.
Par exemple, l'association Alzheimer
Trait D'Union
crée des espaces dédiés à
la maladie d'Alzheimer dans les jardins
publics. Les Jardins thérapeutiques
existent depuis longtemps dans les insti-
tutions mais sont des lieux peu per-
méables au monde extérieur. A l'image
des jardins d'enfants qui ne sont pas
l'apanage des écoles, Trait D'Union a
donc imaginé ces espaces ouverts
comme un lieu de rencontre pour les
couples Alzheimer-aidant entre eux aux
fins d'échanges informels et de rencontre
avec le reste de la société, voisins, en-
fants, qui peuvent partager des jeux mis
à disposition, appariements des animaux
des Fables de la Fontaine (texte au dos
des fiches), reconnaissance des visages
célèbres, coffrets d'odeurs, toucher de
surfaces diverses etc. Ces méthodes, en
cours d'évaluation, favorisent un nou-
veau regard de la société sur la maladie.
Sur des aidants plus ouverts, plus déten-
dus, les propositions d'éducation à la
prise en charge ont plus de chance.
Conclusion
Dans la maladie d'Alzheimer, l'éduca-
tion des aidants est encore très forma-
liste, alors que la multiplicité des mé-
thodes permet de proposer des stratégies
adaptées à chaque couple aidant-ma-
lade en fonction de ses aptitudes, de ses
besoins et de ses capacités. Plus encore
que dans d'autres maladies, cette éduca-
tion, souple et diverse, permet de main-
tenir le malade d'Alzheimer dans son
lieu de vie avec un objectif de bonne
qualité de vie. Les aidants ont donc en-
core plus besoin de nous et sans doute
avons-nous besoin, avec une grande
modestie, de repenser notre pratique.
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Le rétablissement du lien
social passe par des lieux de
rencontre et des activités
partagées.