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Le Spécialiste
13-11
19 juin 2013
www.lespecialiste.be
C'
est en ces termes très imagés
que le Pr Katrien Kesteloot, direc-
trice financière de l'UZ Leuven, a
ouvert le débat organisé dans le cadre du
congrès `Together we care'. Pour elle, c'est
clair: il est grand temps de tout reprendre
à zéro! S'il rejoint pleinement cet avis, son
collègue Dirk Ramaekers, directeur médical
du réseau hospitalier d'Anvers, souligne
aussi que l'idée n'est pas nouvelle. Les
choses n'avancent toutefois pas beaucoup
dans la pratique, a-t-il fait remarquer en
appelant à passer enfin à l'action.
Participation
Marc Moens, le vice-président de l'Absym,
estime également que le financement
hospitalier mériterait quelques ajustements.
Au vu de la contribution substantielle (43%)
dont s'acquittent actuellement les méde-
cins, il exige toutefois que ceux-ci aient
leur mot à dire dans la refonte du système.
Il a aussi quelques réserves vis-à-vis du
concept du financement `all-in'. «Ma propre
discipline, la biologie clinique, est largement
forfaitisée depuis 1988. Cela n'en a absolu-
ment pas amélioré l'efficience, et le nombre
de prestations continue à augmenter. Il y a
d'autres solutions pour maîtriser les coûts
que de tout intégrer dans un budget unique.»
Il est également convaincu qu'il est impos-
sible de prédire quel impact auront dans
15 ans les mesures prises aujourd'hui.
«Un financement au forfait est en tout cas
synonyme de coûts administratifs accrus,
car la mesure des résultats impose d'enre-
gistrer une foule de données. En compa-
raison avec d'autres pays, la Belgique y
consacre actuellement un budget relati-
vement modeste... Sans compter que nos
médecins préfèrent consacrer leur temps
à soigner leurs patients qu'à encoder des
données.»
Le Dr Guy Peeters, président des mutua-
lités socialistes, s'inquiète surtout de
l'accessibilité des soins, soulignant que
«dans ce double système de financement,
les déficits sont reportés sur le malade
par le biais des suppléments
». Pour lui,
l'heure du changement a enfin sonné
après des décennies d'attente ­ et au vu
des problèmes budgétaires actuels, cette
évolution est nécessaire, pour ne pas dire
urgente. «Cela dit, elle ne se fera pas non
plus en un jour, car le système doit être par-
faitement au point. Il faudra par exemple
éviter que les hôpitaux ne mettent en place
une forme de sélection des risques. Et il est
important de contrôler l'enregistrement
»,
a-t-il souligné. Lui aussi estime par ailleurs
capital que les médecins soient impliqués
dans les changements à venir.
Une question d'argent,
mais pas uniquement
Le Dr Ri De Ridder, fonctionnaire dirigeant
du Service des Soins de Santé de l'Inami,
plaide pour que des mesures soient prises
dans les plus brefs délais. «Nous devons
pouvoir admettre que la nomenclature a
atteint ses limites. On observe par exemple
que, en dépit de l'existence de stimuli fi-
nanciers, les généralistes ne participent pas
à la consultation oncologique multidisci-
plinaire. Ce n'est donc pas qu'une question
d'argent.»
Il évoque également les trajets
de soins, péniblement mis sur pied au dé-
part d'un véritable `patchwork' de codes
de nomenclature. «Un autre exemple: les
statistiques de mortalité hospitalière à 30
jours après AVC hémorragique sont par-
ticulièrement mauvaises. Le plan de soins
de ces patients commence forcément par
le 112, pour se poursuivre par le SMUR, les
soins intensifs, le neurologue, la revalida-
tion, le généraliste... Allons-nous vraiment
nous astreindre à le financer petit mor-
ceau par petit morceau par le biais de la
nomenclature? Comment voulez-vous alors
parvenir à une vision globale en termes
d'organisation et de budget?
»
Contrôle budgétaire
«Nous faisons du bon travail dans le
secteur des soins oncologiques, mais cette
qualité n'est pas suffisamment mesurée.
Et un financement au forfait n'est pas
suffisant
», nuance Dirk Ramaekers. «Ce
n'est pas non plus parce qu'une myriade de
prestataires s'affairent autour d'un patient
chronique que celui-ci sera mieux soigné;
par contre, cela complexifie beaucoup les
choses et génère des coûts supplémen-
taires.»
Le directeur du réseau hospitalier anver-
sois appelle à faire simple: bien encadré,
le généraliste assurera parfaitement une
bonne partie des soins chroniques. «Les
gestionnaires d'hôpitaux se focalisent sur
de grands changements, alors qu'il y a tant
de gaspillage dans le système actuel...
Pourquoi ne pas commencer par optimiser
ce qui existe sans vouloir jouer les appren-
tis sorciers? La question sera d'ailleurs
mise sur le tapis tout prochainement,
lors du prochain contrôle budgétaire.»
Signalons que Dirk Ramaekers est
également conseiller auprès du vice-
premier ministre Johan Vande Lanotte.
A la fin du débat, Marc Moens s'est autori-
sé une pointe de syndicalisme qui n'a pas
manqué de provoquer quelques remous
dans l'assemblée: «Pour ma part, je suis
tout disposé à discuter d'un nouveau sys-
tème de financement hospitalier... mais je
peux vous assurer que ma base n'hésitera
pas à semer la pagaille le cas échéant
», a
souligné le vice-président de l'Absym.
Geert Verrijken
JS0683BF
Les médecins veulent avoir leur mot à dire
«Le financement hospitalier
actuel, par le biais du Budget
des Moyens Financiers (BMF)
et des honoraires médicaux,
est insuffisant. Au fil des an-
nées, toute une série d'annexes
sont en effet venues s'ajouter
à la construction de base: une
cabane de jardin par-ci, une vé-
randa par-là, peut-être même
une piscine... mais quoi qu'on
en dise, cela reste une solution
de fortune.»
JS0683CF
Les cadres hospitaliers
demandeurs d'un `New Deal'
Après un exposé consacré à un nouveau système de finance-
ment hospitalier présenté par Pieter Van Herck (Itinera), le pu-
blic a eu la possibilité de donner immédiatement son avis par le
biais d'un vote par SMS. Trois affirmations ont été soumises à
l'appréciation des congressistes.
Affirmation 1
.
Le secteur hospitalier a besoin d'un `New Deal' aussi bien organisationnel
que financier. A l'exception de 18 participants (qui se sont dits `largement pas d'accord'
ou `pas du tout d'accord'), la salle semblait `tout à fait' ou `largement d'accord' avec cette
affirmation.
Affirmation 2
.
Pour parvenir à une meilleure collaboration au sein des hôpitaux, il est
nécessaire de revoir l'actuel système de financement reposant sur le BMF et la nomen-
clature. 41 personnes ont estimé que le double système actuel devait être intégralement
ou largement conservé, mais la majorité des participants s'est prononcée en faveur d'une
révision approfondie, voire d'une refonte complète du mode de financement des hôpi-
taux.
Affirmation 3
.
Une collaboration axée sur des soins intégraux pour le patient, y compris
en-dehors du cadre hospitalier, impose de regrouper en partie les moyens financiers et
les responsabilités à l'échelon du réseau. Cette idée a également été plébiscitée par la
salle, 27 participants seulement n'étant pas trop ou pas du tout d'accord.
Bien sûr, il ne s'agit ici que d'un sondage par SMS sans prétentions scientifiques. La liste
des participants révèle également que, outre un certain nombre de médecins et de déci-
deurs politiques, l'assistance se composait essentiellement de directeurs ou cadres hos-
pitaliers, sans compter qu'il y a évidemment toujours loin de la coupe aux lèvres... Mais
les votes laissent néanmoins à penser que les gestionnaires d'hôpitaux sont convaincus
que le temps du changement est venu.
G.V.
L'ensemble du système de santé forme une sorte de matrice, au sein de laquelle les réseaux horizontaux et verticaux
forment pour le patient un seul tout cohérent. Pour pouvoir répondre de façon efficace et efficiente à différents
besoins, une telle matrice doit recouvrir non pas uniquement les hôpitaux mais l'ensemble de l'offre de soins.
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