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Le Spécialiste
13-11
19 juin 2013
www.lespecialiste.be
F
in mai, Gand accueillait `Together we
Care'
, un congrès de deux jours or-
ganisé par Zorgnet Vlaanderen. Près
de 500 cadres d'établissements de soins,
médecins et décideurs politiques avaient
fait le déplacement pour assister aux dé-
bats et aux exposés d'orateurs belges et
étrangers triés sur le volet. Quelles sont
les grandes tendances actuelles dans le
domaine des soins de santé? De quoi ont
vraiment besoin les patients? Et où en est
la réforme du financement des hôpitaux?
Autant dire que nous ne risquions pas
manquer de matière. Dans cet article,
nous nous attarderons tout d'abord sur
le concept théorique très intéressant éla-
boré par le Dr Johan Pauwels (cadre chez
Zorgnet) pour l'organisation des soins de
santé. Place ensuite à des préoccupations
plus concrètes avec le compte-rendu de
l'une des tables rondes (page 5).
Pagaille sur les routes!
Premier constat, qui sert du même
coup de point de départ à la réflexion:
le nombre de malades chroniques ou
porteurs de comorbidités multiples est
appelé à augmenter, ce qui imposera iné-
vitablement une mutation fondamentale
à notre système de soins encore large-
ment axé sur la prise en charge aiguë.
Le Dr Pauwels a esquissé les grandes
lignes du nouveau modèle, en compa-
rant le système de soins à un réseau
ferroviaire où la circulation des bénéfi-
ciaires est actuellement très dense et
peu structurée. «Chacun s'efforce de son
côté d'amener ses patients à destination
le plus rapidement possible, ce qui gé-
nère le chaos sur les voies de circulation.
Ne serait-il pas envisageable de repen-
ser complètement cette organisation, en
tenant notamment compte du fait que la
moitié des personnes prises en charge à
l'hôpital souffrent de plus d'une maladie
chronique? Nous sommes en effet tous de
plus en plus amenés à soigner les mêmes
groupes de patients, même s'il est vrai
qu'ils auront généralement besoin à plu-
sieurs reprises, à des degrés divers et dans
un ordre variable, de différentes formes de
prise en charge.»
Pour remettre un peu d'ordre dans le sys-
tème, le Dr Pauwels suggère d'évacuer
«les différentes formes de soins qui ne
cessent de s'entrecroiser et de se couper
la route comme des moyens de transports
concurrents»,
alors qu'elles devraient à
ses yeux former un seul et même convoi.
«Cela permettrait à tous les wagons (1
e
, 2
e
et 3
e
ligne, soins de bien-être, prévention,
santé mentale, soins aux personnes âgées,
etc.) de se déplacer sur une seule et même
voie et dans la même direction, tout en
prévoyant un trajet adapté pour chaque
groupe-cible.»
Dossier-patient informatisé
Chaque convoi symbolise un réseau. «En
fonction des besoins de chaque groupe-
cible, les différents acteurs des soins sont
liés par des accords contraignants conclus
au sein de leur réseau et des dossiers-
patients informatisés (DPI) qu'ils peuvent
s'échanger entre eux
», poursuit le Dr
Pauwels. «La voie est tracée par des recom-
mandations de bonne pratique communes.
Les objectifs thérapeutiques déterminent
la direction et la destination, le trajet exact
étant choisi en fonction des besoins du
groupe-cible. Il est aussi nécessaire d'avoir
différents types de trains, car la vitesse est
un élément crucial pour certaines patho-
logies, alors que d'autres auront besoin de
pouvoir descendre à un arrêt ultra-spécia-
lisé. En outre, pour un nombre croissant
de patients (p.ex. les personnes âgées ou
confrontées à des difficultés financières),
il est capital d'avoir une gare à proximité de
chez eux... faute de quoi ils n'auront même
pas la possibilité de monter à bord.
»
Matrice
Le concept a été mis au point au terme,
entre autres, «de soirées d'évaluation avec
des représentants du secteur et de dis-
cussions avec des stakeholders externes
».
D'après le Dr Pauwels, l'idée de `réseaux de
soins reconnus' constitués sur base volon-
taire jouit d'une certaine popularité. «La
notion va bien plus loin que les seuls hôpi-
taux. Il s'agit ici de systèmes qui s'efforcent
surtout de maintenir les patients en bonne
santé, qui investissent dans la prévention et
la limitation des problèmes de santé plutôt
que de se borner à réparer les dégâts une fois
que le mal est fait»,
explique-t-il encore.
L'ensemble du système de santé forme
une sorte de matrice, au sein de laquelle
les réseaux horizontaux et verticaux for-
ment pour le patient un seul tout cohérent.
Johan Pauwels souligne que, pour pouvoir
répondre de façon efficace et efficiente à
différents besoins, une telle matrice doit
recouvrir non pas uniquement les hôpitaux
mais l'ensemble de l'offre de soins.
Le réseau horizontal s'adresse aux patients
atteints de diverses pathologies chroniques,
qui doivent faire l'objet d'une vision holis-
tique et d'une prise en charge multidiscipli-
naire et multiprofessionnelle de proximité.
Dans ce cadre, la collaboration entre acteurs
locaux et régionaux permettra d'obtenir de
meilleurs résultats tant à l'échelon du pa-
tient individuel qu'à celui de la population,
par exemple en abaissant la mortalité évi-
table associée à des pathologies qui peuvent
faire l'objet d'un diagnostic précoce.
Le réseau vertical soutient la différencia-
tion des fonctions et la réorganisation des
tâches entre hôpitaux. «Cela peut débou-
cher sur une forme d'échelonnement des
services ou programmes de soins de manière
à mettre en commun une expertise et des
équipements spécifiques
», explique Johan
Pauwels. «Les différents niveaux peuvent
aller d'un label A pour les services ou pro-
grammes courants et facilement standardi-
sables à un label C pour les diagnostics com-
plexes ou les prises en charge particulière-
ment intensives dans le cadre de pathologies
peu fréquentes voire très rares.»
Les réseaux
verticaux insistent sur des pathologies spé-
cifiques au travers d'une approche inter-
disciplinaire organisée à l'échelon régional,
national ou international. «Ceci demande
une collaboration entre un réseau horizon-
tal et des centres de revalidation, des insti-
tutions psychiatriques, etc.
»
Des moyens financiers et une
bonne dose d'enthousiasme
Il est essentiel de développer une réflexion
commune, sous peine de voir certains pa-
tients se retrouver coincés dans une gare et
monter finalement dans un convoi qui les
conduira au mauvais endroit ­ par exemple
aux urgences pour un problème de cheville
foulée. Ou s'éterniser dans le wagon `pédia-
trie' faute de place dans celui de la pédo-
psychiatrie. «Quelles trajectoires de soins
sont nécessaires pour quels groupes de pa-
tients? Combien de convois faut-il prévoir,
et combien de wagons dans chacun?
», in-
terroge le médecin. «L'objectif commun du
réseau est manifeste: veiller à ce que tous les
malades arrivent à heure et à temps à la des-
tination fixée dans le plan de traitement en
concertation avec leur médecin.»
La loco-
motive du futur carbure à l'enthousiasme
et aux euros, comme celle d'aujourd'hui.
Mais il est surtout capital que tous les
acteurs ­ et les autorités ­ aient une vue
claire de l'ensemble du réseau.
«Les voies sont tracées sur la base d'un plan
de soins global reposant sur une vision et
des objectifs clairs. Ce sont les décideurs
politiques qui commandent les aiguillages
dans l'optique de soins de plus en plus per-
formants. Ils ont le droit d'imposer des éco-
nomies, mais à condition qu'elles visent des
dépenses inconsidérées, des approches qui
ne sont pas
evidence-based. Si nous conti-
nuons à nous focaliser sur des coûts exces-
sifs, nous risquons de nous retrouver avec
des trains qui roulent n'importe comment.
Nous comptons donc sur les autorités pour
qu'elles gèrent les aiguillages de façon fiable
et transparente
», conclut Johan Pauwels.
Geert Verrijken
JS0683F
Les soins de santé sur des voies
nouvelles
«La notion de `profit social' repose sur l'idée que les structures
de soins doivent générer une plus-value pour les patients et pour
la collectivité. Ceci impose toutefois qu'établissements et
prestataires cessent de réfléchir en fonction de `leur' part de
marché, de `leur' patientèle... et que les autorités cessent de
rogner systématiquement sur les postes les plus lourds
lorsqu'elles font des économies.»
VOTRE ACTUALITÉ SOCIO-PROFESSIONNELLE
Dr Johan Pauwels
Le Dr Johan Pauwels esquisse les grandes lignes de son
nouveau modèle, où il compare le système de soins...
à un réseau ferroviaire.