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Le Spécialiste
13-11
19 juin 2013
www.lespecialiste.be
J
usqu'il y a quelques années, la BPCO
n'était guère mobilisatrice, notam-
ment en raison d'un certain sen-
timent d'impuissance médicale. C'est
ce qui avait motivé la mise en place de
l'initiative GOLD par l'Organisation Mon-
diale de la Santé et le National Institute
of Health
américain. La dernière révision
de ces recommandations a été publiée en
décembre 2011 (1) et présentée au public
européen lors du congrès 2012 de l'ERS.
De manière inhabituelle, le texte avait
suscité pas mal de discussions. Ces contro-
verses ont encore été bien présentes lors
du récent congrès de l'ATS.
Mieux prendre en compte
l'impact de la maladie
Historiquement, la classification des
patients reposait sur la sévérité de l'ob-
struction bronchique (évaluée sur base
du VEMS exprimé en % de la valeur théo-
rique). Les données montraient cependant
une réelle hétérogénéité des manifesta-
tions cliniques chez des patients appar-
tenant au même stade GOLD spiromé-
trique. C'est pourquoi «une nouvelle clas-
sification des patients prenant en compte
le retentissement clinique de la maladie a
été proposée en 2011. Celle-ci intègre non
seulement le VEMS, mais aussi l'expres-
sion symptomatique de la BPCO, càd en
pratique le niveau de dyspnée évalué sur
l'échelle du mMRC ou la qualité de vie éva-
luée sur le score CAT et le nombre d'exa-
cerbations enregistré l'année précédente.
Les patients y sont répartis en 4 stades (A,
B, C, D)
(Figure 1). Ces différents points
d'impact de la maladie ont une influence
pronostique. Leur évaluation apparaît donc
tout à fait justifiée.»
Mais...
Cette nouvelle classification pose cepen-
dant plusieurs problèmes.
«D'abord, sa complexité. Le passage de
l'ancienne classification spirométrique,
qui brillait au moins par sa simplicité, à la
nouvelle demande un réel travail d'adap-
tation. Par exemple, le tableau proposé par
le comité GOLD intègre 3 critères présen-
tés en 2 dimensions
(Figure 1). Cela rend
difficile son utilisation en pratique par des
non-spécialistes.
En outre, la concordance entre les résultats
du mMRC et du CAT est assez médiocre,
tandis que les seuils choisis sont discutables
et ne reposent pas sur des preuves scienti-
fiques. Par exemple, nous avons montré
que les patients BPCO avec un score de 2 sur
l'échelle mMRC présentent un CAT score
médian de 20 (2). On rencontre par ailleurs
très peu de patients avec un CAT score < 10
ou une dyspnée de grade 1 à la mMRC, en
milieu spécialisé à tout le moins.»
Une partie considérable des exacerba-
tions de BPCO n'est pas rapportée par les
patients. L'utilisation de seuils du nombre
d'exacerbations apparaît donc éloignée de
la réalité pratique. De plus, la sévérité des
exacerbations n'est pas prise en compte,
alors que son importance pronostique est
bien établie.
Les comorbidités jouent un rôle pronos-
tique important chez les patients BPCO,
mais ne sont pas prises en compte dans le
modèle proposé par GOLD.
«Ensuite, certaines recommandations thé-
rapeutiques de GOLD 2011
ne reposent pas
toujours sur un niveau de preuve suffisant.
Quelques exemples. Selon GOLD 2011,
les patients de stade 1 fortement symp-
tomatiques sont justiciables d'un traite-
ment bronchodilatateur de longue durée
d'action. Or, l'expérience montre que
ces patients présentent souvent d'autres
causes à leur dyspnée et avant de leur
prescrire un tel traitement, relativement
coûteux, il y aurait plutôt lieu de s'interro-
ger sur les raisons expliquant une dyspnée
proportionnée (déconditionnement, obé-
sité, pathologie cardiaque...). Deuxième
exemple: un CSI associé à un bronchodila-
tateur de longue durée d'action est préco-
nisé chez des patients dont le VEMS peut
être > 80% (un patient peut en effet être
classé dans les groupes C ou D en raison
d'exacerbations répétées sans avoir pour
autant une obstruction bronchique sévère).
Or, aucune étude ne justifie l'usage d'une
telle association chez les patients dont le
VEMS est > 60%.»
Des remboursements
(presque) adaptés
«Il ne faut certainement pas perdre de
vue que, dans notre pays, les critères de
remboursement de certaines médications
reposent encore sur l'ancienne classifica-
tion GOLD. En Belgique, les bronchodila-
tateurs à longue durée d'action peuvent
être prescrits dès le stade spirométrique
2 (monothérapie ou association LABA +
LAMA). Avant ce stade, les patients (qui
appartiennent donc au groupe A) sont
généralement peu symptomatiques du fait
de leur BPCO et il y a donc peu de raisons
de leur administrer ce type de traitement;
les modalités de remboursement appa-
raissent donc cohérentes. Rappelons que
le système belge ne permet pas le rem-
boursement de corticostéroïdes inhalés
(CSI) chez des patients qui présentent de
fréquentes exacerbations, mais conservent
une fonction respiratoire correcte (stades
1 et 2 spirométriques), qui sont donc clas-
sés en C. Les patients du stade 2 dans cette
situation sont souvent proches du stade
3. La notice du Seretide
®
, qui propose une
limite de VEMS de 60%, apparaît assez rai-
sonnable. Le remboursement des CSI pour-
rait être adapté en conséquence. Retenons
toutefois que les bronchodilatateurs de
longue durée d'action (LABA et LAMA)
présentent par ailleurs également, comme
les CSI, l'avantage de prévenir dans une
certaine mesure les exacerbations. Les CSI
devront d'ailleurs faire la démonstration
de leur bénéfice lorsqu'ils sont ajoutés en
supplément à l'association de 2 broncho-
dilatateurs de très longue durée d'action
(LABA: indacatérol, LAMA: tiotropium),
qui se satisfont d'une seule administration
quotidienne. »
En conclusion
«La prise en compte des exacerbations, de
la dyspnée et de la qualité de vie vont dans
le bon sens dans l'évaluation d'un patient
BPCO. Ces dernières recommandations
GOLD devront néanmoins être amendées
ou soutenues par de futures publications
afin d'asseoir leur légitimité scientifique,
en particulier sur le plan des recomman-
dations thérapeutiques. Elles gagneraient
également à être simplifiées sur le plan de
la classification. On peut se demander si
ce pavé jeté dans la mare ne vise surtout
à inciter les investigateurs à intégrer les
scores mMRC et CAT dans leurs études afin
d'accroître le niveau de preuve. En l'état, la
SPLF n'a pas adopté ces recommandations
et, pour ma part, je m'abstiens de les dissé-
miner en médecine générale.»
Dr Jean-Yves Hindlet
Référence
1. La dernière version du texte (février 2013) peut
être téléchargée sur le site www.goldcopd.org.
JS0623F
GOLD:
des recommandations controversées
Apparue en 2011, la dernière révision des recommandations
GOLD en matière de prise en charge de la BPCO a encore fait des
vagues lors du récent congrès de l'American Thoracic Society.
Le Pr Eric Marchand (Pneumologie, CHU de Mont-Godinne)
nous livre son point de vue sans concession.
VOTRE ACTUALITÉ MÉDICO-SCIENTIFIQUE
Figure 1: Sévérité de la BPCO appréciée sur base des critères
spirométriques et de la symptomatologie (GOLD 2011).
Pour être en catégorie C ou D, un patient doit avoir, soit un stade GOLD
3 ou 4 spirométrique, soit au moins 2 exacerbations/an. Pour être en
catégorie B ou D, il doit avoir, soit un mMRC 2, soit un CAT 10.
Lorsque ces deux indices sont contradictoires, le plus sévère doit être
pris en compte.
Stade GOLD
Groupes
N
(VEMS)
exacerbations/an
3-4
C
D
2 ou plus
1-2
A
B
0 ou 1
MRC < 2
MRC 2
CAT 10
CAT < 10
Le passage de
l'ancienne classification
spirométrique, qui
brillait au moins par sa
simplicité, à la nouvelle
demande un réel travail
d'adaptation.
Pr Eric Marchand