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GUNAIKEIA
VOL 18 N°9
2013
d'un cancer d'intervalle (55, 56). Les caractéristiques ra-
diologiques sont variées, mais incluent souvent une masse
bien délimitée, sans spicules ni microcalcifications (57-59).
La plupart du temps, la TEP et l'IRM montrent des signes
pathognomoniques de malignité (60).
La maladie est également hétérogène sur le plan his-
tologique, même si la plupart des CSTN sont des adéno-
carcinomes canalaires infiltrants (aucun type spécial),
généralement de haut grade (90%) avec des indices de
prolifération élevés (18, 23, 61). À l'examen au microscope,
on remarque des «
pushing borders», une nécrose centrale
et une infiltration lymphocytaire de degré variable (40, 41).
Il existe également des types spéciaux de CSTN, comme
les carcinomes médullaire, sécrétoire, adénoïde kystique,
lobulaire et apocrine/histiocytoïde, et les CSTN qui se
développent à partir d'une adénose microglandulaire. Il
importe de distinguer ces types spéciaux, dans la mesure
où les CSTN adénoïde kystique et sécrétoire, par exemple,
sont associés à un meilleur pronostic. Il s'agit souvent
de CSTN de bas grade avec des translocations chromo-
somiques sous-jacentes spécifiques (62, 63). Ainsi, Azou-
lay a démontré, sur la base d'une série de cas (n = 18, suivi
médian de 6,5 ans; une patiente est décédée des suites du
cancer du sein), que le CSTN adénoïde kystique avait un
excellent pronostic, même sans chimiothérapie adjuvante.
Après examen de la littérature (n = 219), il a également
conclu à un taux de suvie spécifique du cancer du sein très
élevé (97%) (aucune information sur le traitement adju-
vant n'était toutefois disponible) (64).
Souvent, les CSTN médullaires classiques ont aussi un ex-
cellent pronostic et ce, malgré leur histologie agressive
(forte prolifération, faible différenciation). Dans une série
de 41 cas, 67% des patientes ont présenté une réponse
complète après radiothérapie (55-60Gy), tandis que la chi-
miothérapie n'a eu aucun effet sur la survie sans récidive
locale (86%), la survie sans métastase (83%) et la survie
globale (83%) (à chaque fois à 6 ans) (65). Dans une autre
série de patientes atteintes d'un CSTN médullaire (n = 71),
des chercheurs ont également constaté un excellent taux
de survie sans métastase (81% à 10 ans), alors que seuls
11% des sujets avaient reçu une chimiothérapie adjuvante
(66). Les données de l'IBCSG ont aussi confirmé le bon
pronostic des cancers du sein médullaires (ER-) (taux de
survie sans métastase après 14 ans = 89%, chimio dans
70% des cas) (67). Les carcinomes métaplasiques du sein
peuvent être de haut grade et malgré tout réfractaires à
la chimiothérapie, avec comme conséquence un pronostic
défavorable, tandis que la variante de bas grade (par ex.
fibromatosis-like) a un meilleur pronostic (68, 69).
La relation entre CSTN et statut ganglionnaire n'est pas
claire et suggère que la maladie se diffuse essentielle-
ment par voie hématogène (40, 70-72, 55). Les localisa-
tions préférentielles des métastases sont les poumons et le
cerveau (73).
Pronostic et variables pronostiques
Concernant les récidives de CSTN, on constate un pic trois
ans après le traitement chirurgical. Après 5 ans, les récidi-
ves sont peu fréquentes (55) et ce, contrairement à ce que
l'on observe avec les cancers du sein ER+, dont au moins
50% des récidives surviennent après 5 ans (74). À relative-
ment long terme, le pronostic du CSTN est intermédiaire,
mais meilleur que celui du cancer du sein ER+ de haut
grade (24, 74, 75).
Bien que les avis restent partagés à ce sujet, certaines don-
nées suggèrent que les CSTN (de même que les cancers du
sein HER2+) comportent un plus grand risque de récidive
locorégionale, même après une mastectomie (76-78). Ce
qui est sûr par contre, c'est que le risque de métastases ul-
térieures ou de mortalité par cancer du sein est plus élevé
après une récidive locorégionale de CSTN, en comparaison
avec d'autres sous-types de cancer du sein (79).
La survie après une récidive métastatique est plus courte
en cas de CSTN qu'avec d'autres sous-types de cancer du
sein. Cela est en partie dû au fait que les CSTN métastasent
essentiellement dans les viscères et les poumons, tandis
que les métastases de cancers du sein ER+ ont davantage
tendance à se loger dans les os et la peau (75, 80, 81). Le
risque de métastases cérébrales est également élevé (10
à 30% selon que l'on tient compte ou non des rapports
d'autopsie). De nouveau, la survie médiane en cas de mé-
tastases cérébrales est plus courte en cas de CSTN qu'en
cas d'autres sous-types de cancer du sein (82-84).
Quelle est la valeur des paramètres pronostiques tradi-
tionnels (grade, statut ganglionnaire, volume tumoral) en
cas de CSTN? La plupart des CSTN sont de haut grade. Les
analyses immunohistochimiques (Ki67) et moléculaires de
la prolifération cellulaire ont tout au plus une valeur pro-
nostique incertaine (85-87). Les petits (cT1a/b) CSTN sans
atteinte ganglionnaire peuvent être très agressifs (88). Le
NPI (
Nottingham Prognostic Index) s'est révélé utile dans
une étude, mais aucune initiative visant à développer un
indice plus performant n'a été rapportée (89).
D'autres facteurs pronostiques d'ordre pathologique ont
également été étudiés (envahissement lymphovasculaire
et périvasculaire, récepteur androgénique, E-cadhérine,
etc.), la plupart dans des cohortes rétrospectives, mais
n'ont aucune utilité avérée dans la pratique quotidien-
ne (90-93). Toutefois, compte tenu de l'hétérogénéité
moléculaire qui caractérise aussi le CSTN, certains facteurs
pathologiques (par ex. E-cadhérine et récepteurs andro-
géniques) pourraient se révéler utiles, notamment pour le
groupe moléculaire des CSTN
claudin-low (faible expres-
sion de l'E-cadhérine), le sous-groupe moléculaire des
CSTN androgénodépendants (récepteur androgénique) et
le sous-groupe immunomodulateur (infiltrats lympho-
cytaires) (31, 94). Les infiltrats lymphocytaires en cas de
CSTN sont associés à un pronostic relativement favorable,