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GUNAIKEIA
VOL 18 N°9
2013
Figure 1: Comme la plupart des singes pratiquent
l'accouplement par derrière, la région fessière de certaines
espèces a développé une coloration particulièrement
voyante visant à attirer les partenaires potentiels.
sédaient un arrière-train plus charnu émettaient du même
coup un signal sexuel plus marqué, ce qui explique que cette
zone du corps soit devenue particulièrement volumineuse et
colorée chez certains animaux femelles (2)»
(Figure 1).
Les statuettes voluptueuses
de la préhistoire
La Vénus van Willendorf (
Figure 2) est sans doute la plus
fameuse d'une série de statuettes paléolithiques caractéri-
sées par des formes féminines accentuées à l'extrême, qui
symbolisent à la fois la grossesse et le corps nourricier,
source de vie. Il s'agit d'une figurine de femme en pierre cal-
caire d'environ 11cm, sculptée au paléolithique et retrouvée
par l'archéologue Josef Szombathy à proximité de la ville
autrichienne de Willendorf. D'après les datations les plus
récentes, elle aurait été fabriquée entre 24.000 et 22.000
avant notre ère.
Initialement considérées comme de simples manifestations
de l'art préhistorique, ces statuettes n'ont longtemps été
comparées qu'aux représentations artistiques ultérieures du
nu féminin. Ce n'est que depuis peu que certaines théories
leur prêtent également une fonction sociale ou y voient un
reflet de l'imaginaire de nos ancêtres de l'âge de pierre.
C'est au 19
e
siècle qu'un certain marquis de Vibraye a utilisé
pour la première fois le terme de
Vénus pour désigner une
statuette préhistorique retrouvée à Laugerie-Basse, dans la
vallée de la Vézère. En guise de clin d'oeil à la
Venus pudica
du musée du Capitole, à Rome, il avait baptisé sa trouvaille
la Venus impudique.
Les archéologues ont retrouvé à ce jour une centaine de ces
Vénus préhistoriques, qui faisaient certainement partie inté-
grante de la culture des chasseurs nomades de la Préhistoire.
Ces statuettes accentuent tout particulièrement les parties
de l'anatomie féminine associées à la capacité de donner la
vie et, ensuite, de la nourrir. Elles possèdent donc une impo-
sante poitrine et des hanches et des fesses tellement déve-
loppées qu'il ne serait pas exagéré, selon les critères du 20
e
et du 21
e
siècles, de les qualifier d'obèses. La vulve est géné-
ralement clairement visible. Toutes présentent les caracté-
ristiques d'une femme enceinte ­ ventre rebondi, poitrine
généreuse ­ mais il leur manque généralement des pieds et,
souvent, un visage.
Même si cette théorie reste controversée, on présume géné-
ralement qu'il s'agit de la représentation d'une déesse-mère
vénérée dans une grande partie de l'Europe occidentale,
de l'Atlantique au lac Baïkal en Sibérie. Il n'est pas dérai-
sonnable de supposer que, à cette époque antérieure au
développement de l'agriculture, ces statuettes étaient vrai-
semblablement des symboles de fertilité servant au culte de
la déesse-mère. Leur corpulence et leur fécondité représen-
taient le désir de sécurité, de réussite et de prospérité.
Les courbes généreuses des Vénus des cavernes ne corres-
pondent évidemment absolument plus aux canons actuels
de la beauté féminine. D'un point de vue artistique, ces fi-
gurines à la poitrine et aux fesses surdimensionnées conti-
nuent néanmoins à exercer sur notre époque une indéniable
fascination, sans doute en partie parce qu'elles lèvent un
coin du voile sur la vie de nos lointains ancêtres. À l'époque,
leurs formes lourdes de l'avenir de l'humanité en faisaient
toutefois de véritables objets de culte. Les femmes en chair
et en os qui possédaient un corps tel que le leur avaient
vraisemblablement de meilleures chances de survie parce
qu'elles possédaient de plus grandes réserves de graisse,
mais leurs courbes laissaient aussi deviner une grossesse,
promesse de générations futures...
Figure 2: Face postérieure de la Vénus de Willendorf en
Autriche, pierre calcaire, 24.000­22.000 avant J.-C.