grand nombre, y compris à ceux qui ne sont pas très
sensibilisés à l'arrêt du tabac, fumeurs invétérés et
fumeurs rebelles; 3) être le plus attractif possible et
développer le côté ludique en utilisant les mêmes
ficelles que celles utilisées par les cigarettiers. Enfin, il
faut rappeler au fumeur que la diminution est souvent
plus difficile que l'arrêt brusque et que le bénéfice
santé d'une diminution est faible, voire parfois nul.
Une fois l'information disponible,
que proposez-vous?
Dès qu'ils se posent la question de l'arrêt, les fumeurs
doivent trouver un répondant, ce qui nécessite une
sensibilisation de tous les professionnels de la santé,
chaque professionnel (médecin, pharmacien, dentiste,
diététicien, kinésithérapeute, infirmière,...) ayant sa
pierre à apporter à l'édifice de l'arrêt du tabagisme.
Cela dit, il faut savoir qu'un certain nombre de fumeurs
tentent d'arrêter sans recours aux professionnels,
ce qui est une bonne chose intrinsèquement car il
aura fait la démarche la plus importante. Mais sans
aide, on sait que les résultats sont très limités et ne
dépassent pas 5% d'arrêt à un an
1
. Or les études ont
montré qu'une aide même par le biais d'un conseil
minimal qui confirme l'importance de l'arrêt de tabac
de la part d'un professionnel de santé va augmenter
considérablement le pourcentage de sevrages réussis.
Notre rôle en tant que tabacologue sera donc aussi
de sensibiliser le médecin à l'importance de poser
simplement la question du tabac et de se positionner
par rapport à l'arrêt en tant que praticien, même s'il
est fumeur.
Le médecin s'estime cependant souvent
démuni par rapport au quotidien du fumeur.
Comment s'y prendre pour amener le patient
à se poser la question de l'arrêt?
C'est assez simple à partir du moment où on montre
son intérêt et donc qu'on pose la question du statut
tabagique. Vient ensuite la question de savoir si la
personne a déjà pensé arrêter de fumer (c'est le cas
de la grande majorité). En cas de réponse négative,
on peut poser la question de l'importance que revêt
le tabac dans sa vie. A la réponse quasi systématique:
«c'est un plaisir pour moi de fumer», on peut
rétorquer: «en êtes-vous sûr? Toutes les cigarettes
fumées sont-elles réellement un plaisir? Et de quel
plaisir s'agit-il? Pouvez-vous donner un exemple?». En
grattant ainsi quelque peu dans la vie concrète, les
fumeurs se rendront compte que les bénéfices qu'ils
attribuent au tabac se réduisent à peau de chagrin
et qu'il n'y a que peu de cigarettes qui apportent
réellement du plaisir.
Reste alors à connaître ces cigarettes-plaisir.
La cigarette du matin, par exemple, perçue
classiquement comme une cigarette-plaisir, est une
cigarette-besoin et ne devient `plaisir' que parce
qu'elle permet d'assouvir un besoin urgent. Ce qui
amène à réfléchir et à constater que s'il n'y avait
pas de besoin, il n'y aurait pas non plus de plaisir.
Ce qui est généralement le cas des cigarettes qui
suivent la première du matin. Une autre cigarette
ressentie comme un plaisir est celle qui suit le repas.
La véritable question à poser alors est de savoir si le
repas serait perçu comme moins bon s'il n'y avait pas
le tabac, ce qui met en évidence la notion d'habitude
plus que de plaisir.
Il ne faut donc pas aller contre le ressenti, mais
simplement voir avec le fumeur la manière dont le
tabac est appréhendé. Mon attitude par rapport aux
dangers du tabac est simple également, parce qu'ils
n'ignorent pas les risques. Un simple rappel, bref, est
généralement suffisant à cet effet. Par contre, j'insiste
plus sur la qualité de vie et tente de constater avec
les fumeurs que les côtés positifs de leur tabagisme
sont surestimés par rapport à la réalité. Le fumeur
attribue en effet au tabac des vertus de relaxation, de
compagnie lorsqu'il est seul, d'occupation lorsqu'il
s'ennuie,...
Ce qui n'empêche pas certains patients
de devoir arrêter...
Ma réponse est claire: personne ne DOIT arrêter. Si
le rôle du médecin est de dire qu'une personne doit
arrêter pour des raisons médicales, c'est au patient
de décider en connaissance de cause. S'il estime
que cela vaut le coup de continuer de fumer, il prend
le risque et la responsabilité des effets négatifs
possibles. S'il estime qu'il vaut mieux arrêter, c'est
lui qui prend la décision et il n'est plus dans une
relation de subordination car il effectue un choix. Sans
contrainte, sans frustrations, car arrêter de fumer est
un changement de comportement qu'on n'opère que
si on estime que cela apporte quelque chose.
Reste alors la question de savoir ce qu'il peut
faire lorsqu'il a pris la décision de l'arrêt...
La première remarque est qu'il doit être rassuré par
rapport à sa décision et sa capacité d'y arriver. Il existe
des moyens d'aide qui ont montré leur efficacité et qui
passent autant par les traitements de la dépendance
physique que par l'accompagnement psychologique.
Ces deux aspects sont indissociables. Le patient doit
pouvoir disposer d'un point de chute même s'il a
refumé 1-2 cigarettes. Ce qui n'est pas stricto sensu
une rechute, mais l'aboutissement d'une première
tentative qui est le premier pas pour une deuxième
tentative. L'adage veut qu'il ne faut pas de volonté pour
arrêter de fumer, mais de la motivation... Le message
est classique, mais veut simplement dire que
l'absence de volonté est plutôt la non-mise en place
des stratégies nécessaires pour arriver à l'objectif.
A côté de cela, on connaît le cycle de `maturation' à
l'arrêt du tabagisme. On sait donc aussi qu'à partir
du moment où il y a tentative d'arrêt, la réussite arrive
rarement à la première tentative. Il faut donc rassurer
(«vous n'êtes pas coupable»), montrer que l'arrêt est
possible, identifier ce qui a pu conduire à la reprise
du tabagisme (et donc à la rechute, pas à l'échec!) et
profiter de ces `erreurs'.
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Le Journal du Patient N°9 Décembre 2012
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