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I
Le Spécialiste
13-2
13 février 2013
www.lespecialiste.be
«Q
ui pense que la 6
e
réforme de
l'Etat va améliorer les soins
de santé en Belgique?»
, a
demandé Xavier Brenez, directeur général
des Mutualités libres, aux participants du
récent congrès du GBS*. Pas une main ne
s'est levée parmi les 150 personnes présentes
dans la salle. Un sondage express sans valeur
scientifique mais révélateur du scepticisme
qui entoure le transfert des compétences de
l'Etat fédéral vers les entités fédérées.
Cette grande réforme, née de l'Accord
«Papillon» du 11 octobre 2011, avance
cependant. Il s'agit pour les soins de santé
de transférer près de 4,2 milliards d'euros
du Fédéral vers les entités fédérées. Peter
Hannes, conseiller du Secrétaire d'Etat aux
réformes institutionnelles, Servais Verhers-
traeten, rappelle que le transfert des compé-
tences en santé concerne totalement ou par-
tiellement 8 grands domaines: les soins pour
les personnes handicapées (573,2 millions ),
les hôpitaux (531 millions ), les personnes
âgées (2,611 milliards ), la revalidation (170
millions ), la santé mentale (174,8 millions
), la prévention (81,6 millions ), l'organisa-
tion de la première ligne (44,9 millions ) et
les professions de la santé. Ce transfert pré-
voit évidemment un accord de collaboration
entre l'Etat fédéral et les entités fédérées
pour régler certaines matières.
Selon Peter Hannes - qui se définit lui-même
comme un «notaire» qui acte la concrétisa-
tion en textes légaux des décisions prises par
les 8 partis politiques qui ont signé l'Accord
«Papillon» - le chantier avance, à la fois au
niveau du GT8 (les groupes de travail tech-
nique composés des experts des 8 partis (les
six partis de la majorité et Ecolo/Groen) et
au niveau des entités. «Nous sommes pour
l'instant occupé à la deuxième lecture du texte
de consensus du GT8. L'objectif est de régler
avant la fin du mois les points délicats au sein
du Comori
(le Comité de mise en oeuvre des
réformes institutionnelles composé des prési-
dents des 8 partis: NDLR) et d'ensuite déposer
la proposition de loi de réforme institution-
nelle et de financement au Parlement. L'inten-
tion est de faire voter les textes au parlement
avant le début des vacances parlementaires
d'été.»
Il s'agit du timing idéal. Les entités
fédérées devraient pouvoir implémenter les
nouvelles compétences après l'été ou, plus
vraisemblablement, à partir du 1
er
janvier
2014. «Elles pourront le faire à cette date, je
ne dis pas qu'elles le feront déjà à ce moment-
là»
, précise Peter Hannes.
Des rôles à redéfinir
Il faut en effet d'ici-là clarifier de nombreux
points. Par exemple, les nouveaux rôles des
différentes organisations (mutuelles, AWIPH,
syndicats médicaux...), les futures compétences
des commissions de convention (MRS, revali-
dation...), la question de la gestion paritaire du
système, le cas très spécifique de Bruxelles pour
les matières bi-communautaires...
Pour souligner la complexité de cette
réforme, Peter Hannes prend l'exemple du
secteur hospitalier. A l'avenir, les règles de
programmation et de financement (BMF)
seront nationales, les normes d'agrément
seront communautaires mais les normes
qualitatives de référence seront européennes.
Tout arrêter?
S'inquiétant des conséquences de cette 6
e
réforme de l'Etat sur le secteur des soins de
santé, un participant au colloque a interpellé
les orateurs en leur demandant s'il n'était pas
possible de faire marche arrière et de faire
passer cette réforme à la trappe. Marc Moens,
secrétaire général du GBS, a souligné que cette
réforme a été voulue par des politiciens, élus
démocratiquement par les Belges. «Normale-
ment, les parlementaires doivent concrétiser les
préoccupations de la population. Cela doit donc
être réalisé... Je constate néanmoins, en tant que
président de l'Absym et secrétaire général du
GBS, que cela va être impossible pour nous de
répondre à toutes les demandes que l'on va nous
adresser pour participer aux différentes struc-
tures décisionnelles. (...) Il faudrait une armée.
Nous ne l'avons pas»
.
Peter Hannes pense quant à lui que le transfert
des compétences va permettre d'homogénéiser
certaines politiques de santé et certains secteurs.
Il pense également qu'entre les grandes lignes de
force de cet accord, né d'un compromis politique,
il y a encore de la marge pour la discussion. Une
invitation au dialogue pour essayer de finaliser
au mieux cette incontournable réforme.
Vincent Claes
*
«Quelle médecine anno 2013», Symposium GBS,
2 février 2013.
JS0396F
TRANSFERT DES COMPÉTENCES EN SANTÉ
Un chantier complexe qui
avance inexorablement
L'impact de la 6
e
réforme de l'Etat sur les soins de santé a été au
coeur de plusieurs présentations lors du congrès annuel du GBS.
Cette réforme suscite encore beaucoup d'interrogations. Une
certitude pour de nombreux intervenants: la future répartition des
tâches risque de complexifier les rôles des différents partenaires du
système des soins de santé.
VOTRE ACTUALITÉ SOCIO-PROFESSIONNELLE
JS0396BF
E
st-ce que notre système de santé met
la priorité sur cette populations cible?
Pour Xavier Brenez la réponse est néga-
tive parce que, dans notre pays, il y a toujours
une tension entre les gestionnaires d'un
système qui auraient tendance à concentrer
leurs efforts sur cette population et un com-
portement politique qui consiste à faire plai-
sir aux 80% de la population qui ne coûtent
que 20% du budget.
L'économiste de formation réfère à une
étude des Mutualités libres* qui s'inté-
ressent aux coûts en soins de santé des
patients qui se situent dans la tranche des
1 à 5% des grands consommateurs de soins.
En se basant sur ses données de factura-
tion, la mutuelle a pu ainsi déterminer les
coûts d'une personne qui est atteinte d'une
pathologie (voir graphique). «Si l'on voulait
vraiment se fixer des priorités, il faudrait agir
sur les patients se trouvant dans le carré en
haut à droite, regroupant des pathologies
chères touchant un grand nombre de
patients. Il n'y en a pas vraiment, sauf en
santé mentale. En tenant un raisonnement
simpliste, on peut distinguer un groupe
restreint de patients ayant des pathologies
coûteuses: maladies rares, insuffisances
rénales, transplantation d'organes...
(en haut
à gauche dans le graphique: NDLR) et un
groupe composé de nombreux patients mais
souffrant de pathologies moins chères, chro-
niques: BPCO, affections cardiaques...
(en bas
à droite: NDLR). Pour le premier groupe, il
faut se demander si on dispose du traitement
efficace et voir si on peut modifier la confi-
guration de soins sans réduire la qualité. Par
exemple, en poussant la dialyse en dehors du
milieu hospitalier. Pour le deuxième groupe
de patients, on peut débattre de la préven-
tion, de l'accompagnement, du "case mana-
gement" pour les cas complexes, du «disease
management
... Bref, d'une filière de soins
encore peu organisée de nos jours.
Ce genre d'étude permet de mieux déter-
miner les priorités qu'il faudrait se fixer»
,
conclut Xavier Brenez.
V.C.
*
Pas encore publiée.
Quelles priorités en
santé publique?
Xavier Brenez, directeur général des Mutualités libres, a rappelé lors
du colloque du GBS qu'en Belgique, 1% de la population représente
27% des coûts des soins de santé, 5% de la population 59% des
coûts et 20% des Belges 84% des coûts. «La solidarité est la force
de notre système. La priorité en termes de santé publique devrait être
d'agir avant tout sur le groupe (5 à 10% de la population) qui pèse
72% des coûts.»
Source: Etude MLOZ, dépenses de santé 2010.