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Le Spécialiste
13-6
10 avril 2013
www.lespecialiste.be
Ce projet de construction n'était-il
pas déjà envisageable il y a 2 ou 3
ans?
P.G.: Non, nous n'aurions pas été crédibles à
cette époque-là. Nos finances étaient dans le
rouge. De plus, nous ne pensions pas que la
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réforme de l'Etat concernerait si fortement
les soins de santé. Une situation qui crée,
à l'heure actuelle, une certaine incertitude
sur les modes de financement des hôpitaux
académiques.
L'hôpital Erasme conservera-t-il à
peu près le même nombre de lits?
P.G.: Plus au moins. Dans l'accord-cadre signé
en 2005, il était prévu que le réseau Iris et
l'hôpital Erasme donnent chacun 48 lits pour
renforcer le New Bordet. Sur l'ensemble du
campus, il y aura 1.066 lits: 150 de l'Institut
Bordet et 916 d'Erasme.
«Ce montage reste un pari»
Il y a quelques années encore,
votre institution présentait un
déficit. N'est-il pas difficile,
voire risqué, de se lancer dans
un projet de construction dont
le coût va s'élever à entre 240 et
260 millions d'euros? Avez-vous
les moyens de vos ambitions?
Comptez-vous, comme le
Chirec, faire appel à la Banque
européenne d'investissement
pour financer une partie du
projet? Ou disposez-vous,
comme les Cliniques de l'Europe,
d'importants fonds en réserve?
P.G.: Il y a 5 ans, moins de 10% des hôpitaux
belges étaient en déficit. Erasme faisait partie
de ce groupe. Aujourd'hui, 25% des hôpitaux
sont dans le rouge mais notre institution ne
figure plus dans ce groupe. Il y a donc une
évolution positive de nos finances. Nous
n'avons pas, comme d'autres institutions,
de fonds propres. Nos déficits ont été
financés par des emprunts. Depuis 2010,
notre endettement diminue. De nos jours,
le monde bancaire prête de plus en plus
difficilement aux hôpitaux. Nous avions
déjà entamé dans le cadre du plan directeur
de base ­ dont le coût s'élevait déjà à
160 millions d'euros pour les investissements
prévus jusqu'en 2022 ­ une opération de
«sale and lease back» (1). Nous avions
lancé un appel d'offres. Trois candidats
ont soumissionné pour le montant de
160 millions d'euros. Nous étions en phase
de négociation avec ces trois financiers.
L'opération aurait dû se terminer fin mars
2013. La nouvelle orientation du projet a
mis fin à ces négociations mais nous avons
proposé à ces mêmes investisseurs de se
lancer dans notre projet de construction.
Ils ont manifesté un intérêt positif. Je ne sais
pas si, il y a un an, j'aurais trouvé les fonds pour
reconstruire Erasme. Aujourd'hui, nous allons
trouver les 240 à 260 millions nécessaires.
Il faut préciser que les 600 logements
étudiants qui vont être construits vont être
valorisés. Par ailleurs, le transfert de la faculté
de pharmacie va se faire à moindre coût que
si l'ULB avait dû investir autre part que sur
notre campus. Nous n'avons pas de fonds
propres mais nous allons pouvoir valoriser
notre seul actif: nos bâtiments. Ce montage
reste un pari. Nous comptons évidemment
être très attentifs aux coûts de construction
et d'équipement.
Cette reconstruction de l'hôpital
va-t-elle être l'occasion de
repenser l'organisation de
l'activité médicale?
Jean-Paul Van Vooren: La programmation
médicale de l'hôpital Erasme a été faite il
y a 35 ans. Elle ne correspond donc plus à
celle que l'on ferait aujourd'hui. Toutes les
activités médicales qui ont été ajoutées l'ont
été au hasard des possibilités géographiques.
On se retrouve, par exemple, avec une
activité mère-enfant éclatée dans l'ensemble
de l'hôpital. De plus, le bâtiment est vertical.
Or, la plupart des structures intégrées
fonctionnent désormais sur des plateaux
horizontaux. Lorsque vous passez d'un étage
à l'autre dans notre hôpital, vous passez
véritablement d'un univers à un autre parce
que tout s'est cloisonné logiquement à cause
de cette verticalité.
Toute structure hospitalière doit être
repensée en fonction des nouvelles
obligations. Par exemple, la réforme de la
cardiologie impose certaines contraintes
architecturales (des salles intégrées de
60m
2
). Dans le futur bâtiment, nous allons
regrouper tout le secteur d'hospitalisation
en organisant mieux que par le passé des
services pour des patients à mobilité réduite
(gériatrie...)
Il y aura deux gigantesques plateaux.
Un regroupera le quartier opératoire, les
urgences, la réanimation... L'autre sera un
plateau médico-technique permettant de
manière fluide le transfert des patients d'une
machine à l'autre avec la possibilité d'arriver
par un parcours ambulatoire ou un parcours
hospitalier.
Le fait que le New Bordet jouxtera le
New Erasme et qu'ils auront à peu près le
même âge permettra de mieux organiser
les interactions techniques, médicales et
thérapeutiques entre les deux institutions.
Il s'agit d'une belle opportunité pour pouvoir
repenser notre activité médicale. En outre,
nous allons pouvoir améliorer le confort des
patients et du personnel.
Une approche transversale et
intégrée
Allez-vous associer l'ensemble
du corps médical, ou tout au
moins les chefs de service, à cette
réflexion?
J-P.V.: Nous n'allons pas organiser un grand
pow-wow mais nous allons évidemment
écouter tout le monde. Nous avons déjà
pensé l'organisation mère-enfant. Pour
le quartier opératoire, nous avons déjà
rencontré tous les intervenants. Nous
connaissons tous leurs besoins. Nous savons
déjà comment organiser les interactions
entre l'activité cardiovasculaire et la chirurgie
cardiaque. Idem pour les neurosciences et la
neurochirurgie. Une programmation est déjà
sur papier. Nous allons pouvoir l'adapter aux
nouvelles possibilités qu'offrira la nouvelle
infrastructure. Les membres du petit groupe
de pilotage de l'activité médicale vont
prendre l'avis des chefs de service de façon
à dégager un consensus. Nous ne pourrons
jamais, de façon idéale, répondre aux
demandes de chacun. Nous allons également
fonctionner de manière transversale et
intégrée. Chacun est utile dans le parcours
de soins. Cette conception est l'avenir de la
médecine moderne.
Cette construction va nettement améliorer
nos conditions de travail. Si actuellement,
chacun d'entre nous est content à 25%
ou 30% de ce que la structure peut nous
offrir en termes de performance, le nouvel
hôpital devrait pouvoir nous donner 80% de
satisfaction... jamais 100%.
V.C.
1. Dans le système du «Sale and lease back» une
entreprise, qui est la propriétaire d'un bien, vend
(sale) ce même bien à une autre entreprise pour
simultanément en récupérer l'utilisation par le biais
d'un contrat de leasing (lease back).
Chiffres-clés
·
Construction de 80.000m
2
de surfaces d'hospitalisation et de 30.000m
2
de surfaces logistiques et médico-techniques.
·
Budget estimé à entre 240 et 260 millions d'euros.
·
Total de lits après les travaux: 816 pour New Erasme et 250 pour
New Bordet.
·
Accueil à terme de 5.800 étudiants sur le campus (suite à l'intégration
des étudiants en pharmacie) et création d'un minimum de
500 logements étudiants supplémentaires.
VOTRE ACTUALITÉ SOCIO-PROFESSIONNELLE
L'ULB a un grand besoin de logements pour les étudiants et de «learning centers», des bibliothèques qui se transforment en lieu d'études pour s'adapter aux nouvelles
pédagogies (travaux de groupe...), et des lieux de séminaires et de labos.