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I
Le Spécialiste
13-6
10 avril 2013
www.lespecialiste.be
Pression accrue sur les soins de
santé
A l'heure actuelle, un citoyen lambda coûte
à l'Etat belge environ 3.400 euros par an
en soins de santé. Avec le vieillissement
de la population, ce chiffre ainsi que la
pression exercée sur le secteur de la santé
vont sans aucun doute augmenter. Il faut
donc faire quelque chose, sinon le budget
dont disposera l'Etat pour mettre en oeuvre
une autre politique en la matière sera très
limité. Reste la question suivante: comment
procéder? Le Professeur Annemans a mis le
doigt sur la plaie en affirmant: «La plupart
des médecins sont évidemment d'accord
pour dire qu'une intervention médicale qui
coûte 500.000 euros n'est pas justifiée pour
prolonger d'un jour la vie d'une personne.
A l'inverse, personne ne contestera qu'un
traitement à 500 euros qui permet à quelqu'un
de vivre un an de plus doit être entamé
immédiatement. Reste à savoir où se situe la
limite.»
Autre question tout aussi importante à
cet égard: qui décide? Jusqu'il y a peu,
les cliniciens étaient pratiquement les
seuls à décider quels médicaments et/ou
traitements, par exemple, devaient être
remboursés par l'Etat. Aujourd'hui, une
nouvelle tendance se dessine, dans le sens
où le pouvoir décisionnel dans ce domaine
est de plus en plus cédé aux administrateurs
des hôpitaux, aux bailleurs de fonds, aux
pouvoirs publics et aux patients. De l'avis
du Professeur Annemans, cette tendance
va prendre de l'ampleur à l'avenir. Il a
cependant mis en garde contre une évolution
qui consisterait à considérer les économies
comme une fin en soi et affirmé clairement
qu'en ces temps de crise, il ne faut pas perdre
de vue l'objectif premier d'une politique
de soins de santé, à savoir maximiser la
santé d'une population dans la limite des
ressources disponibles et dans un cadre
éthique basé sur les principes d'équité et de
solidarité.
Critères pour une gestion
rentable dans le secteur des
soins de santé
Pour pouvoir identifier des solutions dans
le discours du Professeur Annemans, il faut
d'abord répondre à la question suivante:
«quelles sont les causes du coût croissant des
soins de santé?
»
Pratiquement tous les macroéconomistes
et assureurs maladie s'accordent à dire
que les progrès technologiques (y compris
les nouveaux médicaments développés)
constituent actuellement le facteur qui
contribue le plus à la hausse des coûts dans
le secteur des soins de santé. Dès lors, quoi
de plus légitime que de se poser la question
«Qu'est-ce que cela va coûter au secteur?» à
chaque fois qu'un nouveau médicament ou
technologie médicale est développé. Il va de
soi qu'une politique rentable doit être menée
dans le secteur des soins de santé, mais
définir des critères ne s'avère pas toujours
évident. Après tout, il est ici question de
patients, autrement dit, de gens qui ont
besoin d'une aide médicale.
Un concept important à cet égard est celui
des QALY (Quality Adjusted Life Years), un
paramètre qui combine les aspects temps
et qualité de vie et qui permet de définir
des lignes directrices sur le plan financier,
mais aussi sur le plan éthique. Le bénéfice
de santé d'un (nouveau) traitement qui,
par exemple, ralentit la progression d'une
maladie chronique et/ou prolonge la vie du
patient s'exprime en effet en QALY (voir
Figure 1
). La rentabilité d'un traitement
médical s'exprime, quant à elle, en euros/
QALY. Ces deux paramètres permettent
de comparer, de la façon la plus univoque
possible, le bénéfice clinique (QALY) et
la rentabilité (euros/QALY) de différents
traitements chez des patients souffrant
de diverses maladies. Ils peuvent en outre
servir de ligne directrice dans le cadre de la
définition de critères pour une gestion saine
au sein du secteur. Ainsi, selon l'Organisation
mondiale de la Santé, le prix d'une année
de vie (en bonne santé) du Belge moyen est
estimé à 32.000 euros (1-3 fois le produit
intérieur brut par habitant). Les traitements
médicaux qui offrent à un patient la
perspective d'une QALY supplémentaire et ne
dépassent pas ce seuil financier génèrent une
plus-value pour le secteur de la santé et sont
donc par définition rentables. Le Professeur
Annemans a indiqué que la ligne directrice
de 50.000 euros/QALY (grosso modo le
prix d'une année de dialyse rénale) pouvait
être utilisée, mais il va de soi que d'autres
considérations d'ordre non économique
jouent également un rôle déterminant dans
la décision de mettre en oeuvre ou non un
traitement.
Dr Ronny Leemans
JS0451F
Gestion des coûts dans le secteur des soins de
santé:
défis et solutions éthiquement acceptables
Lors de la dernière Belgian Week of Gastroenterology
(Anvers, 28 février ­ 2 mars 2013), le Professeur et économiste de
la santé Lieven Annemans (faculté de médecine UGent, faculté de
médecine VUB) a abordé la gestion des coûts des soins de santé,
un sujet généralement mal maîtrisé par les médecins alors qu'ils
sont pratiquement tous concernés par cette problématique. Le
Professeur Annemans a décrit les défis auxquels est confronté
le secteur de la santé dans cette période mouvementée sur le
plan économique et financier, et énuméré une série de solutions
avantageuses à l'occasion d'un discours teinté d'éthique.
MANAGEMENT
QALY = Quality Adjusted Life Years
1
0,6
0,5
0
40
50
Durée
Parfaite santé
Décès
Indice de santé
20
+4
+5
Figure 1: Une personne qui, en raison d'une maladie chronique, vit à la moitié
du niveau de santé maximal pendant 40 ans a 20 QALY (Quality Adjusted Life
Years
). Les traitements pharmacologiques qui augmentent le niveau de santé
du patient et/ou prolongent sa vie font augmenter les QALY. La rentabilité
d'un traitement est exprimée en euros/QALY.
Traitement
Coût (QALY/euros)
Vaccination des seniors souffrant d'une maladie chronique contre la grippe
Dominant
Eradication de H. pylori pour le traitement des ulcères à l'estomac
Dominant
Stratégie top-down/step-up pour le traitement par infliximab dans le cadre de la
maladie de Crohn
Dominant
Conseils pour arrêter de fumer
2.000
Statines pour la prévention secondaire des coronaropathies
5.000
Cocktails de médicaments anti-VIH/anti-SIDA
15.000
Prucalopride pour la constipation chronique réfractaire
15.000
Médicaments de nouvelle génération pour la sclérose en plaques
35.000
Dialyse rénale
50.000
ECG chez les hommes asymptomatiques (à partir de 40 ans)
95.000
Dépistage endoscopique unique du cancer des voies aéro-digestives supérieures à
partir de 50 ans
110.000
TDM annuelle pour le dépistage du cancer du poumon chez les anciens fumeurs
1.000.000
Marchetti et al. Eur J Health Econ 2012
Moayyedi et al. Best Res Clin Gastroenterol 2007;21(2):347-61
Probstfield JL. Am J Cardiol. 2003;91:22G-27G
Johannesson M et al. NEJM 1997;336:332-6.
Figure 2: Tableau comparatif de la rentabilité économique de diverses
interventions médicales.
Professeur Lieven
Annemans: «L'objectif
des soins de santé est de
produire de la santé.»