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I
Le Spécialiste
13-6
10 avril 2013
www.lespecialiste.be
B
éatrice De Donder ne cache pas son
irritation. La présidente de l'Union
professionnelle de dermatologie et
de vénérologie estime que la réforme de la
«médecine et chirurgie esthétique», lancée
initialement par la sénatrice MR Dominique
Tilmans, a accouché d'une très mauvaise loi.
Elle regrette également, malgré sa présence
assidue durant 5 ans aux réunions de travail,
de ne pas avoir été invitée lors des séances
de la commission de la Santé publique de la
Chambre pour délivrer l'opinion des derma-
tologues aux politiciens. «Quel bel exemple
de démocratie bafouée»
, s'insurge-t-elle.
Territoires anatomiques
Sur le fond, le Dr De Donder souligne que
pour la première fois, «une loi impose à
certains praticiens des limites à des territoires
anatomiques, sans aucune justification scien-
tifique valable. Pourquoi un dermatologue ne
pourra-t-il effectuer une blépharoplastie alors
qu'il effectue au niveau du visage de la chirur-
gie oncologique avec plastie ou greffes?»

Selon Béatrice De Donder, ce projet de loi inter-
dira à certains praticiens de pratiquer des actes
qu'ils réalisent pourtant habituellement et créera
pour les autres un flou juridique inconfortable.
«Comment savoir si l'acte presté relève de la
"médecine traditionnelle" ou "de la médecine
esthétique (chirurgicale ou non)" avec toutes ses
contraintes assorties de sanctions pénales.»
La présidente des dermatologues souligne
que cette distinction claire entre l'acte
curatif et l'acte esthétique n'est pas si simple
à réaliser. «Elle dépendra également d'un choix
de société qui pourra varier, notamment, en
fonction des contraintes budgétaires de l'assu-
rance-maladie puisqu'une prestation qualifiée
d'esthétique ne donne plus droit à un
remboursement de la part de l'assurance-
maladie en vertu du code de nomenclature.»
Et de donner dans un courrier adressé aux
membres de la commission de la Santé
publique de la Chambre quelques exemples
pour démontrer la complexité du sujet.
«Lorsqu'un médecin procède à la mise à plat
d'un naevus papillomateux pour des raisons
esthétiques ou de confort, fait-il de la méde-
cine esthétique chirurgicale ou de la médecine
curative? (...) Lorsqu'un praticien réalise une
exérèse d'une tumeur qu'il pense maligne,
il pose un acte qui lui est permis aux termes de
cette loi. Si l'examen anatomo-pathologique
démontre la bénignité de cette tumeur, quali-
fiera-t-on, a posteriori, cet acte d'esthétique en
sanctionnant ce médecin pour avoir dépassé
ses compétences, ne pas avoir respecté un
délai de 15 jours et ne pas avoir fait signer un
formulaire de consentement éclairé?»
JS0483F
Médecine et chirurgie esthétiques:
«Une très mauvaise loi»
Le 21 mars, la Chambre a amendé le projet de loi réglementant les
qualifications requises pour poser des actes de médecine esthétique
non chirurgicale et de chirurgie esthétique. Le document législatif va
poursuivre son parcours. L'Union professionnelle de dermatologie et
de vénérologie considère que ce texte a été mal rédigé et contient
de nombreuses erreurs.
Sanctions inefficaces
Quant aux sanctions pénales prévues
par la loi à l'encontre des praticiens
qui ne respecteraient pas la future
réglementation, Béatrice De Donder
estime que ces peines de prison (d'un
mois à un an) et/ou amendes (de 250
à 10.000) rendront l'exercice de la
médecine quasi impossible à
d'honnêtes praticiens qui ne sauront
plus si tel ou tel acte leur est permis.
«Par contre», prévient la dermato-
logue, «cette proposition n'empêchera
pas les chirurgiens étrangers de conti-
nuer à "intervenir" dans des instituts ou
cliniques en faisant des allers-venues
avec les pays voisins.
Or, beaucoup d'accidents sont liés à
ces praticiens.»
VOTRE ACTUALITÉ SOCIO-PROFESSIONNELLE
Conseil de l'esthétique
médicale
Le législateur prévoit la création
d'un Conseil de l'esthétique médicale.
La mission de cet organe est de
donner avis au Roi pour la définition
de la liste des actes relevant de la
médecine esthétique chirurgicale ou
non. Ce comité doit être composé
de titulaires du diplôme de médecin
et pour moitié de titulaires du titre
particulier de médecin spécialiste en
chirurgie plastique, reconstructrice et
esthétique (AR 25 novembre 1991).
Il comprend également des titulaires du
titre professionnel particulier de mé-
decin spécialiste en esthétique médi-
cale non chirurgicale et des titulaires
du titre professionnel particulier de
médecin spécialiste en dermato-véné-
rologie. Pour l'Absym, la constitution
de ce conseil est en totale contradic-
tion avec l'AR du 21 avril 1983, qui
fixe les modalités de l'agrément des
médecins spécialistes et généralistes.
La compétence prévue pour le Conseil
de l'esthétique médicale appartient
encore toujours intégralement au
Conseil supérieur et à la commission
d'agrément. «En outre», note l'Absym,
«ce conseil serait seulement consti-
tué de médecins qui sont considérés
comme compétents pour réaliser des
interventions esthétiques. Parlons de
confusion d'intérêts!»
Selon Béatrice De Donder (présidente de l'Union
professionnelle de dermatologie et de vénérologie),
ce projet de loi interdira à certains praticiens de pratiquer
des actes qu'ils réalisent pourtant habituellement et
créera pour les autres un flou juridique inconfortable.