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I
Le Spécialiste
13-6
10 avril 2013
www.lespecialiste.be
D
ans une de nos précédentes éditions,
nous avons eu l'occasion d'évoquer
avec Marc Justaert le rôle (futur) de
la médicomut dans les soins de santé. Dans
ce second volet de notre entretien, le prési-
dent de la MC analyse pour nous l'influence
des mutuelles sur la politique de santé.
Pas neutres
La MC siège à la Commission de Planification
de l'Offre médicale, au Conseil National des
Etablissements Hospitaliers (CNEH), à la
Commission de Remboursement des Médica-
ments (CRM), au Conseil Technique Médical,
à la médico-mut... et on en passe! «Cette
forte représentation nous permet de contri-
buer à orienter la prise de décision politique
,
explique Marc Justaert. A la médico-mut et à
la CRM, cela passe par exemple par un rééqui-
librage des honoraires: nous revalorisons les
actes intellectuels et adaptons la valeur des
prestations dans le cadre de la nomenclature.
Cela n'a rien de neutre. C'est une manière de
préserver l'équilibre entre les disciplines moins
attrayantes et celles qui sont au contraire très
populaires

L'organisme assureur a également son mot
à dire dans la planification de l'appareillage
médical lourd. «Au sein du CNEH, nous contri-
buons à formuler des recommandations sur le
nombre d'appareils médicaux onéreux (IRM,
CT, etc.) ou de centres de cardiologie en nous
basant sur les budgets disponibles, le nombre
de patients et la répartition géographique.
Dans un contexte où les moyens sont res-
treints, la concertation est essentielle»
, sou-
ligne le président de la MC.
La MC aide également à maintenir le cap
pour les dépenses en médicaments, un aspect
que l'Inami maîtrise aujourd'hui de mieux en
mieux. «Les autorités pèsent de tout leur poids
sur la fixation des prix par le biais du système
du remboursement de référence, de la régu-
lation des produits hors brevet et d'un certain
nombre de baisses linéaires. La médico-mut
se charge quant à elle de donner un feedback
aux médecins sur leurs prescriptions, ce qui
est loin d'être un luxe au vu des différences
énormes que l'on observe parfois entre pra-
tiques. Les écarts excessifs sont corrigés par
le biais d'un monitoring. Ce ne sont pas des
économies aveugles reposant sur une baisse
de volume globale, mais des réductions ciblées
là où les médecins prescrivent trop... et c'est
aussi une manière de les aider à mieux prendre
conscience des coûts.»
La connaissance, c'est le pouvoir
Les organismes assureurs possèdent égale-
ment une véritable mine de données statis-
tiques, qui sont notamment exploitées par le
biais de l'Agence Intermutualiste (AIM), mais
aussi parfois mises à la disposition de tiers.
«Là encore, les mutuelles ont un rôle impor-
tant à jouer,
souligne Marc Justaert. Dans
le cadre d'un projet mené dans les hôpitaux
flamands, nous fournissons par exemple des
informations à un groupe de travail qui déve-
loppe des indicateurs de qualité transversaux,
qui concernent les établissements dans leur
ensemble.»
Le président de la MC n'est toutefois pas plei-
nement favorable à la diffusion publique des
données hospitalières. «Nous voulons renforcer
la qualité là où elle est insuffisante grâce à des
incitants positifs. Dans le cadre du projet d'indi-
cateurs que je viens de mentionner, chaque éta-
blissement est actuellement libre de publier ou
non ses données sur son site internet,
explique
Marc Justaert. Si certains points noirs persistent
après la deuxième ou la troisième évaluation,
il sera toutefois difficile de faire comme si de
rien n'était. Faudra-t-il alors imposer des sanc-
tions financières ou au contraire plutôt morales,
par exemple par le biais d'une publication des
données? Cela reste à voir... mais pas question,
pour la MC, d'en arriver un jour à un classement
public des hôpitaux!»
Marc Justaert ne pense pas non plus qu'il soit
suffisant de poster des données médicales
sensibles et les indicateurs de qualité des
établissements de soins sur un site internet
centralisé. «Le mieux serait que les patients
fassent appel au médecin-conseil de leur
mutuelle ou à leur généraliste, qui pourra
leur donner des explications éclairées. En cas
d'hospitalisation planifiée, ils pourront ainsi
choisir en concertation avec le médecin
l'établissement le plus adéquat.»
Vous avez dit accessible?
A l'heure actuelle, les patients assument
eux-mêmes 25 à 30% du coût de leurs soins
de santé, ce qui n'est évidemment pas peu.
L'assurance obligatoire manque-t-elle à ses
devoirs? Le président de la MC tient à relati-
viser, rappelant que la Belgique conserve des
soins de santé relativement accessibles en
comparaison avec l'étranger. «Officiellement,
le ticket modérateur est limité à 10%. Il faut
également se souvenir que cette quote-part
personnelle est aussi une manière d'orienter
les soins de santé... et que le tiers-payant
social permet tout de même de préserver
l'accessibilité.»
Il reconnaît néanmoins que les suppléments,
marges de délivrance et forfaits en tous
genres peuvent avoir un poids financier
considérable. «D'après le 8
e
baromètre finan-
cier de la MC, on observe une évolution posi-
tive au niveau des suppléments d'honoraires
et de chambre dans les chambres doubles. Par
contre, ce qui augmente, ce sont les supplé-
ments d'honoraires en chambre simple. Je suis
particulièrement choqué par les prix pratiqués
dans les maternités, qui pèsent très lourd sur le
budget des jeunes parents.»
Et d'ajouter que l'assurance hospitalisation
de sa mutualité choisit explicitement et
volontairement de limiter le remboursement
des suppléments à 100% des honoraires dans
les chambres simples, estimant que «rem-
bourser davantage provoquerait une spirale
ascendante».
Geert Verrijken
JS0481F
Les mutuelles contribuent à orienter
la politique de santé
Au travers de sa présence dans d'innombrables conseils et com-
missions de l'Inami et du SPF Santé publique, la MC contribue à
influencer la prise de décisions politiques. La masse d'informations
(statistiques) sur les soins de santé dont elle dispose est pour elle
un autre facteur de puissance.
VOTRE ACTUALITÉ SOCIO-PROFESSIONNELLE
Sixième réforme de l'Etat
Marc Justaert témoigne d'un enthousiasme pour le moins mitigé face à
la sixième réforme de l'Etat qui est actuellement en préparation. «Mieux
eût valu transférer un ensemble de compétences homogènes, comme par
exemple les interventions pour les personnes handicapées. Ici, tout va sim-
plement devenir encore plus compliqué.»
En outre, le président de la MC
craint de voir surgir des litiges entre régions et communautés, particuliè-
rement à Bruxelles. «Même s'il y a une plus-value dans certains domaines,
la mise en pratique est loin d'être évidente»
, ajoute-t-il.
L
a structure interne de la MC devrait en
tout cas rester inchangée ­ contraire-
ment à celle des Mutualités Socialistes,
dont les ailes francophone et néerlandophone
sont pratiquement indépendantes l'une de
l'autre depuis plusieurs années déjà. Pour
Marc Justaert, une telle
évolution n'est clairement
pas à l'ordre du jour. «La MC
ne possède pas de structure
bicéphale. Notre organisa-
tion est calquée sur celle du
gouvernement: l'assurance-
maladie relève des services
nationaux, mais nous avons
aussi des structures régionales
pour tout ce qui touche par
exemple au bien-être. Le pré-
sident et le secrétaire général
(actuellement Jean Her-
messe) appartiennent chacun
à un rôle linguistique différent,
même si je tiens beaucoup à
ce que, à partir d'un certain
niveau, tout le monde soit
parfaitement bilingue.
La seule chose qui pose question, c'est Bruxelles
et la manière dont les soins y sont organisés.
Les néerlandophones et les francophones vont
devoir y dégager des solutions qui permettront à
chaque groupe d'être soigné dans sa langue.»
G.V.
JS0381BF
Marc Justaert