background image
4
5
JIM / skulls
Expression unique du temps qui passe, de l'éphémère, de la finitude de notre existence sur
Terre, la vision d'un crâne engendre une forme d'inquiète certitude chez chacun d'entre-nous.
Et quand toute trace de notre enveloppe charnelle disparaît, dévorée par les multiples
nécrophages et polie par les affres du temps, le crâne ne demeure-t-il pas le suprême élément
corporel visible, l'ultime souvenir matériel, la dernière preuve d'une existence passée ?
Mais aussi utilisé comme pictogramme de la présence du danger et du toxique, il interpelle
notre inconscient collectif. Il éveille alors en nous la prudence, voire la peur, et nous amène
irrémédiablement à nous rappeler la fragilité de notre condition de mortel.
A l'heure où les lieux de culte s'affranchissent
de toute présence de reliques humaines, que les
musées bannissent de leurs expositions momies
ou parties de corps humains, utiliser le crâne à
une fin créative est une gageure, une démarche
intrépide, un acte téméraire, suicidaire même. Et
pourtant Jim Skull ose, il franchit avec vigueur
et force la frontière incertaine du tabou, mais en
conservant cette fraîcheur gaillarde et juvénile
qui rend l'objet plus beau.
Et s'il nous place soudain face à nos propres
peurs et nos interrogations existentielles, son
oeuvre éclaire avec légèreté notre part d'ombre.
Je me souviens encore de ma première
confrontation avec son oeuvre, qui m'a
inexorablement amené à un candide
questionnement, consistant à lui demander si
chacun de ses supports était un authentique crâne
humain ? Si sa réponse m'a rassuré, finalement
elle importe peu, car la véracité de l'origine
humaine du crâne est permanente, omniprésente,
tant elle est sous-jacente... Le minéral et le végétal, le naturel et le manufacturé, l'ancien et le
moderne, l'uni et le multicolore, le terne et le brillant, le mou et le dur, le souple et le rigide,
tout concourt à une universalité omniprésente dans l'oeuvre de Jim Skull.
Et quand il décide d'illuminer ses crânes d'une symbolique fleurie, éclectique, proche du rituel,
il ravive alors le lien à nos origines, tout en nous projetant dans la réalité de notre avenir : notre
inéluctable et proche disparition du monde des vivants...
Il transcende ainsi notre altérité avec la mort, il l'immortalise matériellement en l'absence
de toute vanité. Finalement, Jim Skull n'est-il pas l'ultime et merveilleux corsaire de l'art
contemporain, naviguant sans foi ni loi sur les 50èmes hurlants de son oeuvre foisonnante ?
Pierre­Henri Heizmann
Ambrotype
Jim Skull, 2013
Studio: Street Collodion Art
Pièce unique ­ Original plate
H: 18 cm ­ 7 in.
L: 12.5 cm ­ 5 in.