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NOUVEAUTES EN GENETIQUE
la guérison est quasi exclue, on travaille dorénavant dans un esprit plus
positif, dans une logique de réhabilitation, en visant un rôle social assu-
mé et un niveau de fonctionnement relationnel satisfaisant.
Un soignant plus rassuré
On sait depuis longtemps que les patients soignés per os ont très
souvent tendance à gérer leur maladie «à la carte», en s'octroyant des
vacances thérapeutiques. Les rechutes en sont la sanction inévitable,
ce qui augmente à terme le risque de cérébro-toxicité propre à la psy-
chose. Pour le médecin, il est alors souvent difficile de distinguer si c'est
son traitement qui est inefficace, ou si c'est la compliance du patient qui
laisse à désirer. Avec une forme injectable, il peut lever ce doute.
Les choses sont également plus simples lorsque le médecin et le patient
décident, de commun accord, de suspendre ou d'arrêter le traitement
(ce qui, en cas de traitement per os, se fait en général en catimini, à
l'insu du médecin). On peut alors convenir ensemble que si l'arrêt est
suivi d'une rechute, les raisons de celle-ci seront claires pour les deux
parties. Comme le fait remarquer le Dr Haitham Mourad: «Apr
ès de tels
épisodes, la relation thérapeutique a gagné en confiance et on peut
avancer avec plus de certitude dans le traitement.»
Le patient acteur de son suivi
Comme le souligne le Dr Gérald Deschietere, il faut lutter contre le cliché
selon lequel le traitement sous forme dépôt rend le patient passif. Au
contraire, cette approche permet de le rendre pleinement acteur de son
suivi, tout autant, ou peut-être même davantage encore, que le traite-
ment per os.
Certains patients vont acheter eux-mêmes leur traitement dépôt à la
pharmacie. Par ce fait, ils signent leur adhérence au traitement et à tout
ce qui a été mis en place avant d'en arriver à la prescription. On est
donc là, à l'opposé de la caricature des infirmiers psychiatriques ceintu-
rant un patient pour lui faire son injection! Par ailleurs, cela conscientise
les patients au fait qu'ils doivent s'organiser, commander le produit à
l'avance, etc.
La conscience de la maladie
Il peut sembler illogique de proposer une forme dépôt à un patient
qui a une bonne conscience morbide. Pourtant, soulignent les par-
ticipants à la table ronde, c'est justement l'un de ses avantages: en
adhérant à la proposition de traitement dépôt, le patient témoigne
qu'il a pris conscience de sa maladie.
Sécurité et sollicitude
Beaucoup de patients, surtout les plus «anciens», sont assez éloi-
gnés de l'image du patient idéal, partenaire de soins. Beaucoup
d'entre eux sont plutôt en demande de déresponsabilisation. Ainsi,
pour le Dr Pierre Oswald, qui travaille en défense sociale, l'aspect
contraignant reste part intégrante du traitement.
Un traitement dépôt peut également répondre à cette attente pour des
patients ambulatoires, qui ressentent positivement le fait que quelqu'un
s'inquiétera s'ils ne viennent pas au dispensaire pour leur injection, là où
personne ne se tracassera de savoir s'ils ont pris leur pilule quotidienne.
Paradoxalement, la prescription de traitement de longue durée intensifie
de ce fait la relation avec le patient isolé. De même, cela élargit la rela-
tion qui, d'interindividuelle, devient une prise en charge en réseau. La
«contrainte» se transforme alors en sollicitude, en souci du soin.
Quand proposer une forme dépôt?
Jadis, la forme dépôt était réservée aux patients chroniques chez les-
quels on avait tout essayé, une sorte de traitement de dernière extrémi-
té. Tandis que chez les patients jeunes en début de maladie, on préférait
prescrire les formes orales, avec l'intention de «travailler la compliance».
Ce paradigme est en train de changer; la forme dépôt peut désormais
être envisagée dès le début d'un traitement.
Dr Benoît Gillain: «Quand je pose un diagnostic de schizo-phrénie, j'en-
visage d'emblée les formes prolongées avec le patient. Selon les cas, il
peut se passer deux jours ou plusieurs années avant de sauter le pas, mais
il est évident que cela fait partie des éventualités d
ès le départ. Cela me
semble aller de soi puisque le traitement est le facteur protecteur le plus
efficace.»
Dr Haitham Mourad: «Je préfère ne pas prescrire de forme dépôt pen-
dant les 3-4 premiers mois du traitement, pour me laisser le temps de
connaître le patient, de trouver la juste dose et d'apprécier les effets du
traitement chez lui. Sauf quand j'ai affaire
à une anosognosie flagrante,
auquel cas je passe immédiatement au dépôt. Et également quand il y a
une consommation importante de cannabis.»
Des opportunités inédites seront présentées dans la prochaine
édition de Neurone.
Référence
1.
McDonnell, et al. Safety and Efficacy of Olanzapine Long-Acting Injection for up to 6 Years in Patients
with Schizophrenia or Schizo-affective Disorder, Presented 25
th
European College of Neuropsycho-
pharmacology Congress; Vienna, Austria; October 2012.
Eric Adam: «Le traitement dépôt permet l'économie de
l'inlassable et épuisante négociation autour de la prise
du médicament. Ce qui laisse enfin de la place pour une
autre relation avec le patient.»
Dr Benoît Gillain: «S'il y a bien une chose que nous
savons, c'est que nous ne savons pas ce que font nos
patients des médicaments que nous leur prescrivons!»
Dr Gérald Deschietere: «Proposer un traitement injec-
table n'est pas déresponsabiliser le patient. Au contraire,
c'est une nouvelle manière de le responsabiliser. Cela
peut être considéré comme une alliance thérapeutique.»
Dr Benoît Gillain: «L'anosognosie reste le coeur de la
maladie et la forme dépôt permet d'agir sur ce coeur de
la maladie.»
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