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EDITO
Neurone
Mensuel - 10x par an
(éditions spéciales incluses)
Neurone
est une publication
réservée aux neurologues,
psychiatres, neurochirurgiens
et spécialistes de la douleur
Tirage: 3.400 exemplaires
Rédacteurs
Jean-Emile Vanderheyden
Alex Van Nieuwenhove
neurone@rmnet.be
Rédacteur-adjoint
Pierre-Emmanuel Dumortier
Production
Laura Marlot
Coordination
Kris Heyvaert
Sales Manager
Catherine Motte
sales@rmnet.be
Publicité
Valérie Wets
Medical Director
Dominique-Jean Bouilliez
Editeur Responsable
Docteur V Leclercq
Abonnement annuel
abonnement@rmnet.be
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Tous droits réservés, y compris la
traduction, même partiellement.
Paraît également en néerlandais.
L'éditeur ne pourra être tenu
pour responsable du contenu des articles
signés, qui engagent la
responsabilité de leurs auteurs.
En raison de l'évolution rapide de
la science médicale, l'éditeur
recommande une vérification
extérieure des attitudes
diagnostiques ou
thérapeutiques recommandées.
Copyright
Reflexion Medical Network
Avenue des Fougères 6
1950 Kraainem
02/785.07.20
3
l
Neurone
·
Vol 18
·
N°7
·
2013
N1963F
Q
ue
devient
la
relation
médecin
-
malade
à
l
'
heure
de
la
médecine
dite
industrielle
?
La médecine est progressivement rentrée dans son ère scientifique, à partir du 19
e
siècle, grâce au
développement de la méthode anatomo-clinique. À cette époque, le malade considère le médecin
comme un maître, un conseiller que l'on consulte avec grand respect. Depuis une trentaine d'années,
la médecine a encore évolué au milieu des avancées technologiques, mais aussi dans le monde finan-
cier et ses crises successives. Les progrès scientifiques ont changé l'approche diagnostique, devenue
plus précise grâce aux différents types d'imagerie et à la biologie moléculaire, déterminant ainsi la
médecine dite biologique. Ensuite, les thérapeutiques de plus en plus ciblées ont progressivement fait
du chirurgien, mais aussi du médecin, un technicien très spécialisé, voire un ingénieur (1) fort pris par
son travail, amenant à la notion de médecine industrielle (2). D'autre part, l'introduction de l'informa-
tique dans le bureau médical a modifié le comportement du médecin, souvent plus attiré par son écran
que par le patient, afin de remplir les nombreux documents administratifs devenus nécessaires pour
les remboursements des soins. Dans un contexte économique défavorable, le médecin est de plus en
plus soumis à la pression de «produire» autant, voire plus, mais en moins de temps, ce qui se ressent
surtout dans les consultations. Certains praticiens en arriveraient à limiter le patient à deux questions
par consultation! Par cette perte importante de disponibilité, on arrive insidieusement à une déshuma-
nisation de la relation médecin-malade. Enfin, les soins étant plus centrés sur la maladie que sur la
personne ­ ceci surtout dans les hôpitaux ­, on observe l'apparition d'inégalités de santé par la non-
prise en compte de l'aspect global (fragilités et comorbidités) et donc particulier de chaque patient. Ces
inégalités se traduisent par les effets secondaires assez fréquents des traitements, la multiplication
d'examens et d'hospitalisations... (3).
La réaction des patients consiste parfois, surtout pour les plus jeunes, à se réfugier dans la «consul-
tation Internet» pour obtenir les renseignements qu'ils ne reçoivent pas du médecin. Malheureu-
sement, cette méthode apporte des informations pas toujours correctes et, surtout, il en manque
la mise en perspective selon chaque cas particulier! Le patient devient donc plus égoïste, voire
revendicateur, dans sa relation avec le médecin, dont il attend surtout maintenant un travail de
technicien de la santé ou d'aide sociale, voire d'avocat quand il faut réaliser des rapports circon-
stanciés à répétition pour obtenir l'intervention de mutuelles tatillonnes. Par contre, le médecin
n'est plus toujours considéré comme un conseiller ou un confident, du moins par certains patients
excédés par ces changements.
Cette évolution paraît bien dommageable pour le patient, mais aussi pour le médecin, qui tra-
vaille de plus en plus dans le stress. Il n'est pas trop tard pour réagir et réfléchir à des solutions
pour retrouver de l'humanité dans la relation et éviter le «fast-consulting» et ses dérives. L'une
des solutions serait évidemment de pouvoir à nouveau réaliser des consultations sans limite
temporelle stricte, adaptées aux besoins exprimés par le patient et permettant de proposer des
prises en charge plus larges (éducation...).
Il paraît essentiel pour un avenir plus agréable de recentrer les soins sur la personne plutôt que
sur la maladie, dans la bonne voie tracée depuis plusieurs années par les prises en charge
pluridisciplinaires, mais encore trop peu mises en avant en raison de leurs coûts jugés excessifs.
Jean-Emile Vanderheyden
Rédacteur en chef
Références
1.
Le Pen C. Les habits neufs d'Hippocrate. Du médecin artisan au médecin ingénieur. Eds Calmann-Lévy, Paris, 1999.
2.
Grimaldi A. La médecine devient-elle industrielle? La Lettre du Psychiatre 2012;8(6):159-60.
3.
Claes V. L'hôpital plus centré sur la maladie que la personne. Le Spécialiste 2013;13-11:6.