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l
Neurone
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Vol 18
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N°7
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2013
donc présenter une perturbation lors de
l'élimination, plus que durant le condi-
tionnement même de la peur (phase du-
rant laquelle les chercheurs ont observé
moins de différences par rapport aux su-
jets en bonne santé). Des études d'ima-
gerie fonctionnelle montrent en effet une
activité plus faible du réseau d'élimina-
tion dans le cerveau des patients anxieux
(10).
Prévention des rechutes
Les effets à long terme de l'élimination
dépendent de la puissance de la mémoire
de sécurité par rapport à la mémoire de
la peur, ce qui suggère deux approches
pour la prévention des rechutes: 1) le
renforcement de la nouvelle mémoire
de sécurité et 2) l'affaiblissement de
l'ancienne mémoire de la peur.
Comment renforcer la mémoire
de sécurité?
Les théories de la mémoire comprennent
différentes indications pour le renforce-
ment de la mémoire à long terme. Pre-
mièrement, une mémoire est plus facile-
ment activée en présence de nombreux
stimuli issus de la situation d'apprentis-
sage (par ex. un souvenir de vacances à
l'aide de photos). Cela a fait naître l'idée
de créer des stimuli spécifiques pendant
le traitement par exposition pouvant être
utilisés par la suite pour la réactivation
de la mémoire de sécurité (par ex. en
prenant une photo de la confrontation
réussie). Deuxièmement, la mémorisa-
tion est plus forte en cas de variations
durant l'apprentissage (par ex. la résolu-
tion de plusieurs problèmes de mathé-
matiques différents au lieu de plusieurs
fois le même). De ce principe a vu le
jour l'idée d'exécuter l'exposition en uti-
lisant des modèles variables de l'objet de
l'angoisse et dans des contextes diffé-
rents. Troisièmement, les informations
sont stockées dans la mémoire de ma-
nière plus durable lorsque les intervalles
entre les unités d'apprentissage succes-
sives sont plus longs (par ex. étudier tout
au long de l'année et pas uniquement
pendant les examens). Cela a donné
l'idée de répartir les différentes sessions
d'un traitement par exposition sur un
laps de temps plus étendu. Ces tech-
niques sont expérimentales et font l'ob-
jet de recherches cliniques, avec des ré-
sultats variables jusqu'à présent (11).
Les découvertes concernant le méca-
nisme des récepteurs de l'élimination
laissent supposer que le renforcement
des récepteurs NMDA dans l'amygdale
devrait permettre de favoriser les effets à
long terme de l'élimination (Figure 3). La
D-cyclosérine est un agoniste partiel des
récepteurs NMDA également efficace
chez l'homme (la D-cyclosérine appar-
tient à la première génération d'antibio-
tiques). Les rats ont reçu le deuxième
jour une injection de D-cyclosérine
après l'exposition au son sans stimulus
(élimination). Comme on pouvait s'y at-
tendre, ces rats présentaient le lende-
main un niveau d'anxiété moins élevé
( = élimination plus forte) en entendant
le son. La D-cyclosérine renforçait l'enre-
gistrement de la mémoire de sécurité et,
de ce fait, également les effets à long
terme de l'élimination.
Les résultats prometteurs de cette re-
cherche ont été par la suite testés avec
succès lors d'essais cliniques, durant les-
quels une pilule de D-cyclosérine était
donnée aux patients atteints d'anxiété
avant une ou plusieurs sessions du traite-
ment par exposition. Par exemple, deux
sessions d'exposition avec des patients
souffrant de vertige ont conduit à de
meilleurs effets à long terme lorsque
ceux-ci avaient pris une pilule de D-
cyclosérine avant chacune des deux ses-
sions (par rapport à un groupe placebo,
avec répartition aléatoire en double
aveugle). Depuis lors, ce même effet a
été obtenu dans le cadre de plus de dix
études indépendantes avec différents
troubles anxieux, et les résultats ont été
confirmés dans deux méta-analyses (12).
D'autres renforçateurs pharmacolo-
giques de la mémoire de sécurité ont
aujourd'hui été développés et testés (13).
Comment affaiblir la mémoire
de la peur?
Tant que l'ancienne mémoire n'est pas
activée, elle reste enregistrée de manière
stable dans la mémoire à long terme.
Toutefois, lorsqu'elle est activée, elle est
temporairement sensible à l'influence et
au changement. Cela a été démontré par
des recherches neurobiologiques sur le
conditionnement de la peur chez des
rats (Figure 3). Au jour 1, les rats su-
bissent le conditionnement de la peur
sous la forme de son-stimulus. Au jour 2,
le son est présenté une seule fois afin
d'activer la mémoire de la peur (son-sti-
mulus). Une substance bloquant la syn-
Jour 1
Jour 2
Jour 3
Angoisse!
Angoisse!
élimina
tion
réac
tiv
ation
D-cyclosérine
propranolol
aucun retour
de l'angoisse
aucun retour
de l'angoisse
Figure 3: Procédures expérimentales pour tester le renforcement de la mémoire de sécurité
(D-cyclosérine) et l'affaiblissement de la mémoire de la peur (propranolol).
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